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Thomas, juin

Je m'avance vers l'HCA et passe les portes automatiques. L'hôtesse d'accueil me reconnaît et me lance un sourire compatissant en m'indiquant le numéro de la nouvelle chambre de Noa.
J'avoue que venir ici est toujours compliqué. Après, je me demande pourquoi c'est compliqué. Noa a toujours connu cette vie et pourtant, c'est la fille la plus solaire que je ne connaisse. En fait, je suis mal parce que je pense que sa vie est triste alors que pas du tout. Enfin... c'est ce qu'elle dit.

Elle n'a jamais connu autre chose. Donc pour elle c'est normal.
Ses amis vivent eux aussi ici. Elle va à l'école ici. Elle dort ici. Elle joue ici.
Elle grandit ici.

Rien que d'y penser, ça m'angoisse. J'aimerais tellement autre chose pour elle.

Les murs blancs des longs couloirs se succèdent. Parfois, quelques portes sont ouvertes et j'aperçois des patients allongés sur leur lit.
La plupart regardent la télévision et restent dans leur chambre toute la journée. C'est ce que me dit Noa.
Elle est curieuse, j'imagine que c'est ce que font les enfants de son âge. Enfin, ceux qui vivent ici.

Je sais qu'elle aime rendre visite à la grand-mère du troisième étage du service de cardiologie.
Martina.

C'est une veille femme qui a déjà fait plusieurs arrêts cardiaques. Elle n'a pas de grand frère ou de père qui peut s'occuper d'elle comme nous le faisons pour elle, précise toujours Noa.

Je traverse enfin le service des enfants. C'est beaucoup plus "joyeux" si je peux dire. Les murs sont colorés et décorés de dessins d'enfants. Les fenêtres sont ornées d'autocollants qui réfléchissent des arc-en-ciel au sol au contact des rayons du soleil. Et à la différence des autres services, celui-là n'est pas silencieux. Nous entendons des rires, des pleurs.

C'est là que je me dis que, même dans les moments les plus sombres, les enfants sont toujours les plus solaires. Même au contact de la mort, ils sont vivants.

Les enfants me fascinent. Noa me fascine.

Tout comme Marcus, je ne sais pas où j'en serais aujourd'hui sans elle et sa bonne humeur.
Je lui dois également mes trois mois de convalescence.
Je dois être là pour elle comme elle l'a été pour moi.

– Maman ! Regarde c'est Thomas Wolf !

Je m'arrête net et me retourne doucement vers la petite voix venant de la salle de jeu toute vitrée.
Un jeune garçon sourit en se cachant derrière sa mère. Mon regard croise les yeux de cette dernière. Des cernes violettes creuses son visage fatigué. Ses cheveux ternes sont attachés par une grosse pince noire. Ses mains caressent le crâne chauve de son fils blanchâtre. Une sonde traverse le nez de celui-ci.

Il sourit, encore une fois.

Je me rapproche d'eux en saluant sa maman et m'accroupis près de lui.

– Salut bonhomme, comment tu t'appelles ?

Sa maman se décale pour le forcer à sortir de « sa cachette » et sourit à pleines dents à son tour.

– Marvin. Dit-il fièrement.

– Marvin ! Voilà un très beau prénom. Je lui tends ma main pour le checker. Et comme ça se fait tu me connaisses ?

– Bien sûr ! Je regarde tous tes matchs et tu es mon joueur préféré. Avant je faisais du football américain, pour être comme toi !

Je relève mon regard vers celui de sa mère qui a maintenant les larmes aux yeux. Elle me demande si elle peut filmer la scène et je lui réponds positivement.

ÉPHÉMÈREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant