Chapitre 12 : De Sang Royal

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Le tonnerre grondait dehors. Les arbres pliaient face au vent du Nord qui apportait à la Capitale une sombre diligence portée par deux chevaux noirs. Dans celle-ci, le Comte Tristan était accompagné d'une des femmes qui le courtisait la veille lors du Bal, toujours habillée d'une robe noire.

Il avait grossièrement été soigné par le médecin de son château, celui-là même qui avait constaté la mort de son père quelques années plus tôt. Ce n'était pas le meilleur dans son domaine, si bien que la cicatrice à l'œil allait graver son visage à vie. Toute sa vie, il se rappellera de ce que Maria a fait. Heureusement, la lame du poignard n'avait pas touché la cornée, et son œil sera de nouveau opérationnel dans quelques mois. Il devait cependant porter un bandage pour éviter que la poussière ne s'infiltre dans la plaie, ce qui lui donnait des airs de Pirate.

La courtisane prit sa main dans la sienne :

- Je suis heureuse que vous n'ayez rien de grave à votre œil. Au moins votre cicatrice vous rend plus viril.

- Ne me parle pas de ça. Je sais que c'est immonde, et j'aurais préféré ne pas me montrer ainsi à la Cour du Roi.

La veille, Tristan avait reçu une lettre signée du cachet Royal l'invitant à séjourner à la Cour pour la semaine. Quelques jours plus tôt, il se souvenait avoir appris de ses espions que La Duchesse des Monts-Brumeux viendrait lui rendre potentiellement visite après qu'elle eut été aperçue non loin de ses terres. Il s'était alors imaginé qu'il pourrait restituer la fille et ainsi redonner à sa famille l'honneur qu'elle avait perdu par la faute de son vieux père.

À dire vrai, son père ne l'avait pratiquement pas élevé. C'était sa mère qui avait fait toute son éducation, de son bas âge jusqu'à maintenant. Elle avait été contrainte de quitter le château suite à un imprévu à la Capitale, et Tristan pensait peut-être la retrouver également lorsqu'il arriverait à destination.

Mais le borgne était perplexe. Que lui voulait le Roi, lui qui n'avait daigné lui parler depuis 2 ans ? Ou était-ce réellement le Roi qui avait mandaté Tristan ? Il se retourna dans sa carriole, observant le paysage depuis le fenestron. Le paysage était grisonnant, et la pluie empêchait de voir à plus de 10 mètres. Une situation qui aurait pu être dangereuse en cas de bandits.

Ils arrivèrent finalement sains et saufs à la Capitale. Tristan ne prit la peine de faire sortir sa dame, et courut immédiatement à l'abri où l'attendaient deux gardes royaux. Ces derniers semblaient ensanglantés, ce qui ne rassurait toujours pas le brun. Il laissa ses soldats en poste dehors, et attendit que son accompagnatrice ne sorte de la diligence pour ensuite être amenés à la salle du trône.

- Que vous est-il arrivé ? Vous êtes couvert de sang soldat, s'enquit-il.

- Ce n'est pas le nôtre, nous avons simplement pris l'armure de nos prédécesseurs suite à l'attaque du Prince Lancelot.

Tristan ne prit même pas la peine de poursuivre la conversation. Il en savait assez sur celui qui l'avait interrompu lors de son acte de vengeance. La prochaine fois qu'il croiserait ce fameux Lancelot, ce serait pour lui pointer son épée dans le cœur. Les deux gardes poussèrent alors les lourdes portes de la grande salle.

Celle-ci avait changé depuis sa dernière venue, le tapis n'était plus rouge comme à l'accoutumée mais violet, les murs blancs semblaient recouverts d'étendards de la milice de Gallian... Tristan commençait à comprendre ce qui se tramait dans son invitation.

Peut-être n'était-il pas le seul à y être invité d'ailleurs.

Il ralentit le pas, avant de se stopper devant le trône où devait siéger le Roi. Mais ce n'était pas le cas, une ombre à la crinière bestiale se tenait là, couronne à la main. On reconnaissait Gallian. Il tenait un verre à l'autre, qu'il amena à sa bouche et dont il vida le contenu rougeâtre-sûrement du vin. Enfin, lorsque la dernière gorgée avait été aspirée, il balança le verre à travers la pièce et se remit droit pour accueillir convenablement ses convives.

- Heureux de vous revoir en vie Comte Tristan de la maison des Hauts-Pins.

- Je n'aurais jamais manqué ce rendez-vous votre altesse.

Tristan s'inclina, quasiment aussitôt suivi par la courtisane. Les gardes se repartirent autour du Prince Gallian, qui pointait à présent la couronne vers le Comte.

- J'ai eu vent de votre pitoyable soirée avec les renégats. Je suis fortement déçu d'apprendre que vous n'avez finalement pas capturé la frêle jeune fille et mon sauvage de petit frère. Et il vous a laissé un beau souvenir visiblement...

Comme sentant qu'il devait défendre son honneur, Tristan répliqua :

- Jamais un Prince ne m'a effleuré de sa lame, le coup vient de la Duchesse !

- C'est donc une femme qui vous a fait un tel carnage sur votre si doux visage ? Me voilà encore plus satisfait de votre débâcle. Mais ce n'est pas pour ça que je vous ai demandé de venir jusqu'ici.

Il fit tourner la couronne dans ses mains, ne laissant pas le loisir à Tristan de répondre à l'offense dont il avait pu faire preuve juste avant. La courtisane aussi aurait voulu répliquer, mais elle empoigna la main de son maître comme pour lui faire comprendre que ce n'était pas le moment de faire une guerre d'égos. Tout le monde savait que les femmes étaient les êtres les plus dangereux dans le Royaume, Gallian le premier.

- Pourquoi m'avez-vous donc mandé Prince Gallian ?

- Pas Prince, enfin, plus Prince.

La couronne cessa alors de tourner, et pointait à présent un coin de la salle du trône où une bougie était allumée. Sous le cierge se trouvait un crâne humanoïde. Se pouvait-il que Gallian ait tué le Roi, son propre père ? Personne ne l'en avait empêché dans le château ?

- J'ai appris ça de mon petit frère justement, coupe la tête de tes oppresseurs. Mon plan est maintenant en marche, Tristan. Et j'ai besoin de l'appui du Nord pour poursuivre mon but. Êtes-vous de mon côté ? Me soutiendrez-vous face aux autres maisons ?

Avait-il réellement le choix ? Gallian était devenu le Roi, refuser un ordre du roi s'apparentait à de l'insubordination. Tristan haïssait Gallian et son insuffisance, mais cela valait-il le coup de terminer comme son vieux père, mort pour trahison envers la couronne ? Il regarda fébrilement vers sa compagne, qui le regardait avec insistance sachant que le fossoyeur le regardait sûrement aussi. La gorge nouée, il proclama :

- Vive le Roi.

Gallian lui tendit la couronne, qu'il prit soigneusement avant de la poser sur la tête du nouveau protecteur du Royaume. La courtisane et les soldats en poste répétèrent alors les paroles de Tristan, tous à l'unisson :

- Vive le Roi.

Le Roi ferma les yeux, sourit légèrement de satisfaction, puis ses premiers ordres en tant que Roi se firent entendre :

- Tristan, je vous ordonne de retrouver mon traître de frère et sa duchesse. Vous pourrez faire ce que vous voulez d'elle, mais ramenez moi l'autre vivant.

Tristan acquiesça, tourna des talons et commença à partir. Mais arrivé au niveau de la porte, au moment où il commençait enfin à relâcher la pression, la sinistre voix de Gallian se fit de nouveau entendre :

- Aussi, j'ai quelqu'un a vous présenter. Elle pourra vous être utile, bien plus que cette catin que vous trimballez.

Il marqua une pause le temps que le borgne ne se retourne.

- Quelqu'un d'une importance particulière aux yeux de votre proie...

PRINCESS OF THE MIST - TOME 1 - TERMINÉE-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant