Chapitre 20 : La dépendance des Hauts-Pins

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Au Palais Royal, chaque grande maison avait le droit à sa propre dépendance lorsque de grandes occasions les obligeaient à rester plus d'une journée à la Capitale. Elle étaient au nombre de 9 au tout début du règne de William, mais depuis les récentes guerres qui avaient ravagé le Nord, seules sept d'entre-elles étaient occupées. Plus les dépendances se trouvaient proche des appartements du Roi, plus l'importance de la maison était grande au sein du Royaume, la coutume voulait d'ailleurs que chaque Roi organisait les dépendances comme il le souhaitait, même si les changements étaient assez rares. Les familles puissantes qui contrôlaient les ports et le commerces obtenaient souvent les chambres les plus belles, tandis que les maigres politiciens se voyaient attribuer les chambres à peine plus spacieuses et coquettes que celles des gouvernantes.

Tristan avait pour habitude de se trouver dans ce genre de petites chambrées, à peine éclairées et tout aussi confortables qu'une botte de foin de l'écurie où il avait grandi. C'était tout instinctivement qu'il s'était dirigé vers elles. Il n'avait même pas demandé à ses gardes de l'aider à transporter ses affaires et celles de ses accompagnatrices, aussi il portait les 3 mallettes seul dans le long et sombre couloir. La nuit était bien entamée, le Conseil Royal ayant duré plus d'une heure.

Derrière lui, Grace et sa compagne le suivaient. Elles arboraient toute deux un regard sombre, comme si ce qui s'était passé ce soir là, la mort des invités et la déclaration de guerre d'Ezra n'étaient pas devenu leur quotidien depuis quelques semaines. Au bout du couloir se trouvait la porte avec les armoiries de la maison des Hauts-Pins :deux arbres blancs qui s'entrelaçaient et formaient en leur centre la silhouette d'un renard.

C'est un isatis, mon fils !

Son père le lui rappelait sans cesse quand il était jeune. L'animal totem de leur famille n'était pas un simple renard, c'était un isatis, une espèce spéciale qui résistait au froid de l'hiver comme aucun autre animal. Ils en avaient vu un une fois, Tristan avait même eu l'honneur de l'achever durant la chasse en son honneur, c'était pour son douzième anniversaire. Mais le temps des réjouissances et des chasses était révolu. Son père était mort quelques années après, et il s'était résigné à ne plus chasser. Il n'aimait pas plus la viande que cela, et le simple souvenir douloureux de revoir son père mourir, l'odeur du sang, tout lui était devenu insupportable. C'est pourquoi il avait regretté amèrement d'avoir tué cette petite fille, ce soir là.

Mais ce n'était pas la seule fois qu'il avait senti l'odeur du sang. Il se devait de le faire, de faire souffrir ceux qui l'avaient aussi fait souffrir auparavant. Telle était sa loi, sa vision de la vie se résumait à un suite logique d'émotions qui amenaient à d'autres situations émotives, encore et encore.

Car à quoi bon vivre si ce n'était pour rien ressentir, la douleur et la peine était là pour nous rappeler que nous vivions ; et sa nouvelle cicatrice au visage le lui rappellerait à jamais.

Quelques secondes après avoir ouvert la porte, Tristan déposa doucement les valises à l'entrée, demandant aux jeunes femmes de ne pas entrer. Il ouvrit ensuite les volets, et secoua les draps qui recouvraient les meubles de toute la pièce. Celle-ci sentait le renfermé, et Grace comprit directement qu'aucune servante n'avait préparé la chambre pour Tristan. Elle décida alors de braver l'interdiction d'entrer, et aida le Comte à arranger les lits.

- Jeanne, viens nous aider, demanda le Comte.

Elle s'exécuta. Jeanne n'était pas une femme de leur milieu, elle avait rencontré par hasard le Comte lors d'une de ses représentations avec le cirque auquel elle appartenait. La jeune femme brune était connue pour sa souplesse incomparable, et Tristan l'avait embauchée à sa Cour pour les mêmes raisons. Elle regrettait presque sa décision, qu'elle n'avait sûrement pas fait par amour du Comte, loin de là. Elle en avait juste assez de devoir faire le lit de son chef de troupe, de devoir préparer les prestations, de devoir nettoyer la cage aux félins quand c'était son tour. Oui, c'était la vie paresseuse de femme de la Cour qui lui plaisait. Elle ne souhaitait que mettre fin à sa vie de bohème, à vivre sans argent et à chevaucher le Royaume à la recherche de quelques deniers.

PRINCESS OF THE MIST - TOME 1 - TERMINÉE-Où les histoires vivent. Découvrez maintenant