Chapitre 60

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18 décembre

[Beaucoup de choses sont passées dans ma tête à ce moment-là. Les intentions clairement mauvaises de Côle. L'absence de ma sœur (en réalité, Côle avait fermé mon studio à clef et Lise avait couru chercher le reste du groupe qui s'installait dans la chambre d'amis, à l'autre bout de la maison). L'envie que Cam vienne me sauver, aussi. L'envie qu'il soit là à la place de Côle, avec sa gentillesse, sa prévenance et sa délicatesse.

Oui, j'aurais adoré qu'il vienne me sauver tel un super Héros. Mais ce n'est pas ce qui est arrivé, et sans doute que ce fut mieux comme ça.]

Chris avait déjà eu l'occasion de réfléchir à ce genre de situation. Pas qu'il pensait que ça puisse vraiment lui arriver, mais juste parce qu'il avait tendance à imaginer toutes sortes de situations pour essayer d'entraîner son cerveau à y réagir. Et il avait toujours cru que chaque seconde lui paraîtrait interminable.

[Ça n'a pas été le cas.]

Chris ne prit conscience de sa chute que lorsque son dos écrasa quelque chose qui s'enfonça douloureusement entre ses omoplates. Et il ne prit conscience de ce que Côle avait en tête que lorsque celui-ci se coucha sur lui. 

Un réflexe lui fit relever le genou entre les jambes de Côle, puis, profitant de ce que le jeune homme hurlait et roulait sur le côté, Chris recula jusqu'à sa tête de lit, incapable de savoir comment s'extirper de cette impasse... jusqu'à voir l'objet qu'il avait saccagé en tombant.

Sa boîte.

Sa précieuse boîte.

Son esprit malmené ne parvenait plus à analyser la situation. Chris ne savait plus quoi prioriser. Lui ? Ses trésors ? Ou encore son chat qui miaulait et grattait à la porte au risque d'attiser encore la colère de l'intrus ?

Du bout de ses doigts tremblants, le jeune homme recueillit un des bracelets roses qu'il avait gardé précieusement pendant des années. Celui d'Ely, ou peut-être de Lise ; ses yeux n'arrivaient pas à faire la netteté. 

— Tu m'as fait remonter les couilles dans le bide, espèce de dégénéré ! Et tout ce que tu trouves à faire, c'est de pleurnicher sur un morceau de plastique ? 

Un sursaut de stupeur secoua Chris, qui riva son regard à celui enflammé de fureur de Côle. Jamais encore le jeune homme n'avait été confronté à une haine aussi violente. 

[Pas d'aussi près en tout cas. J'ai déjà eu des remarques racistes, des piques homophobes, mais jamais (et je sais que j'ai eu de la chance), jamais je n'ai eu à faire face à autant de violence et de sadisme. Jamais je ne m'étais senti autant en danger.]

— Tu es pathétique, Chris. Avec ton regard larmoyant et tes lèvres tremblantes. Comme si j'étais le méchant alors que tu passes ton temps à m'allumer, grinça Côle en se massant l'entrejambe.

— Je... c'est faux !

— ET te branler devant ta caméra, c'était quoi ?

— Tu... tu me le demandais, essaya de se défendre Chris en ramassant un à un ses trésors.

— Tu veux me faire passer pour le méchant manipulateur ? Alors que tu m'as rendu dingue, tu t'es fait désirer puis tu t'es inventé une histoire avec ce Cam juste pour me rendre jaloux ?

[Non, mais sérieusement, quel ego démesuré il a, celui-là. Comme si ma vie tournait autour de lui. Et c'est à ce moment précis que j'ai définitivement compris que Cam avait eu le nez creux.

Mon adorable ex-voisin avait raison sur toute la ligne.

Côle... est juste un connard toxique. Rien d'autre. Et certainement pas un bad boy ténébreux qui joue un rôle.

Non.

Juste un foutu connard.]

— Cam... Cam t'a vu sous ton vrai jour dès le début, souffla Chris avant de se redresser. Tu... tu es juste la pire erreur de ma vie. Va t'en... s'il te plaît.

[Oui, bon, ma rébellion restait faiblarde, mais vu la situation, je trouve que c'est déjà bien d'avoir réussi à lui tenir tête !]

Chris se sentait petit. Captif sur son lit. C'était comme si la fureur de Côle électrifiait la pièce et transformait le sol en piège mortel si le jeune homme osait poser un orteil dessus. Partagé entre terreur et bravoure, il se recroquevilla sur son lit et ordonna une nouvelle fois à son ex-petit ami de partir. 

En vain.

Côle, qui avait surmonté la douleur du coup dans l'entrejambe, se redressa de toute sa hauteur. Il n'avait plus envie de jouer. Plus envie d'attendre et surtout, plus envie d'offrir la moindre échappatoire à Chris.

Il allait le posséder, ici et à cet instant, et rien ni personne ne l'en empêcherait.

[Ça, c'est ce qu'il croyait. Tellement imbu de sa personne.]

C'est alors que Côle fit deux erreurs. La première ? Il s'empara de la boîte que Chris venait de reconstituer avec peine et frissons. La seconde ? Il se débarrassa de cette boîte en la lançant... droit sur le chaton dans l'espoir de le faire taire.

— Ta gueule le miauleur ! T'empêcheras rien du tout.

— Mais moi, si, articula Chris d'une voix détachée et glaciale.

Les derniers gestes de son ex avaient suffisamment déverrouillé son esprit pour le pousser à agir.

[On touche pas à mes trésors, et on touche ENCORE MOINS à mon chat.]

Soutenu par une poussée d'adrénaline, Chris bondit sur ses jambes, saisit Côle par le col et le poussa sans ménagement vers sa porte. Le loquet ne lui résista pas plus que la poignée, et lorsque le battant s'ouvrit à la volée, il propulsa son agresseur dans le couloir.

Sa colère silencieuse estomaqua le groupe de jeunes qui arrivaient en courant, alarmé par Lise. Les traits de Chris et la braguette ouverte de Côle servirent de compte-rendu à la situation.

Personne ne leva le petit doigt lorsque l'ancien Leader desVamp's s'écrasa contre le mur du couloir avant de s'effondrer au sol. 

Personne ne prit sa défense lorsqu'il tenta d'accuser Chris de l'avoir attaqué.

À la vue du mage Elfe Khrystal en personne, tous avaient compris.

Des excuses fusèrent tandis que les deux autres garçons du groupe évacuaient Côle. Les filles, elles, se répandaient en excuses qui ne parvinrent à Chris que comme un bourdonnement incompréhensible.

Il avait tout donné. Il s'était vidé. Il ne lui restait plus rien.

Plus de force.

Plus d'envie.

Plus de motivation.

Juste un goût amer dans la bouche et un besoin impérieux d'être seul. 

La mâchoire toujours serrée, nauséeux à la simple idée de parler, Chris recula dans son studio et referma la porte.

Il ne sentait plus ses doigts lorsque ceux-ci remirent le loquet en place.

Il ne se souvint pas de comment il réussit à aller sous la douche.

 Les couleurs se brouillaient. Les sons se brouillaient.

Son monde se brouillait.

Et même une fois pelotonné en position fœtale sous sa couette, le brouillard refusa de se dissiper. 



Hello à tous ! Encore merci de suivre Chris, la fin est de plus en plus proche ! En attendant, Avec Tatiana Dublin, nous continuons notre Romantasy Queer sur Fyctia, mais nous l'avons également posté sur Wattpad, sur mon compte, n'hésitez pas à venir la découvrir !

Chris, ou comment se prendre pour Cupidon à NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant