Interlogue : Générations (1)

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— Laisse, Saw, allez-y. Partez devant, je vais le faire.

Jin dévisagea l'Irlandais, l'air fermé. Bai, l'ennemi juré du vieux Chinois, se tenait à genoux, du sang gouttant de son front blessé. Les bras du prisonnier étaient solidement garrottés et reliés à ses chevilles en une flexion douloureuse. L'homme avait été bâillonné par Ove qui lui avait enfoncé un chiffon sale dans la bouche avant que Nuka ne lie un foulard pour l'empêcher de recracher la charpie qui avait sans doute servi à essuyer la jauge d'huile de moteur d'un de leurs véhicules.

— Jin, tu n'es pas obligé de faire ça, fit Jonah dont les muscles du visage étaient tendus comme des cordes. L'un d'entre nous peut très bien...

— C'est de ma faute si nous avons été obligés d'en venir là, le coupa Jin en secouant la tête. Et j'ai un compte à régler avec ce salopard.

— Je reste avec le vieux, Jo, se proposa aussitôt Ove qui ignora l'œillade furieuse du Chinois. Allez-y, on vous rejoint derrière.

Étrangement, Jonah se sentit soulagé à l'idée que le Scandinave soit témoin de ce qui allait se passer ensuite. Il lança un regard d'avertissement à Jin et fit un signe de tête à Sawyer.

— Ne perdez pas de temps.

— Compte sur moi...

Bai sentait les cordelettes qui servaient à l'immobiliser mordre dans sa chair comme s'il s'était agi de fil de fer. Ces hommes maudits avaient pris un malin plaisir à l'attacher de la façon la plus douloureuse possible : il était certain que son épaule droite n'allait pas tenir le coup bien longtemps.

Lui qui pensait avoir mérité un peu de tranquillité en compagnie de sa famille, à Singapour, il n'avait même pas eu le temps de sortir de l'aéroport qu'il réalisait que ces horribles monstres étaient là. Qu'ils l'avaient suivi jusque chez lui – sans doute sous l'impulsion de Jin Lin-Ma. Ils l'avaient conduit dans une sorte de hangar à avions et voilà qu'il se retrouvait en compagnie de ce fumier de Jin et de ce grand type blanc qui lui semblait manquer de stabilité émotionnelle. C'était d'ailleurs ce Blanc-là qui était sans doute amoureux de cette gosse complètement cinglée. Tiens, c'était sûrement pour ça que le Blanc voulait rester avec Jin, pour l'aider à torturer Bai. Pour se venger. Ou plutôt : pour venger la petite Française. Tout cela, songea le prisonnier, n'était qu'un cycle sans fin de vengeances innombrables. Est-ce que Jin avait mérité ce qui lui arrivait ? Oui, mille fois oui. Mais est-ce que lui, Bai, n'allait pas mériter amplement ce qui n'allait pas tarder ? Bien sûr. La question ne se posait même pas.

Le Blanc, arme au poing, prit le temps de vérifier par un trou du volet qui occultait l'une des fenêtres que les autres étaient bel et bien partis. Bai remarqua que le jeune Suédois ne cessait pas de faire glisser ses yeux bleus sur lui, puis sur son ennemi juré, presque inquiet par la tournure qu'allait prendre les événements. Ove se campa juste devant le prisonnier et lui enfonça le canon de l'arme dans la joue. Le mafieux aurait pu mordre dans le métal à travers sa propre peau s'il n'avait pas été bâillonné.

— Ove, attends ! Qu'est-ce que tu...

— J'vais t'permettre de t'expliquer, trou duc', gronda le Viking, le regard étincelant. Tu tentes quoi que ce soit et j'me ferai un plaisir de passer mes nerfs sur toi et Jin pourra te dire que j'en ai vraiment besoin, j'te promets.

Avant que son acolyte ait le temps de l'en empêcher, Ove fit passer la lame d'un petit couteau suisse sous le foulard et le déchira d'un coup sec. À l'aide de la pointe, il retira le bâillon graisseux qui macérait entre les mâchoires du captif. Celui-ci cracha et toussa pendant une bonne minute devant ses deux gardiens qui restèrent impassibles. Les yeux luisant de larmes à force d'avoir toussé, Bai finir par leur faire face.

L'Escorte 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant