Freethinking

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Nous avons mangé dehors. La première moitié de la soirée a consisté en une logorrhée des deux idiots concernant le fait que Jin et moi « mations des pornos en douce » et la seconde moitié a été consacrée aux explications que le Chinois et moi-même avons dû fournir à ma mère, mon père, Jo, et Saburo –lui, il voulait juste faire son intéressant.

Il y a juste eu un petit souci à cause de Sawyer, au moment du dessert. Boyd a trouvé judicieux de sortir son chapelet – celui que la religieuse lui avait donné pendant notre périple – pour jouer avec, sans vraiment penser à ce qu'il faisait. Les yeux verts de l'Irlandais ont lui d'un éclat furieux en repérant le petit objet religieux et il a fini par demander à son cadet d'un ton très froid :

— Je peux savoir ce que c'est que ça, Quigley ?

D'habitude, c'est plus Raven qui s'adresse de cette façon à Boyd, donc oui, ça nous a tous saisis. Ove s'est redressé dans son siège et nous avons tous deux instinctivement échangé un regard. Le pauvre Américain lui-même ne savait pas trop comment réagir, tant il avait été surpris. L'air penaud, il a tenté de faire disparaître le chapelet dans sa poche mais Sawyer s'est levé et est allé se placer face à lui, tendant la main. J'étais seulement deux chaises plus loin et je m'étais crispée, aux aguets. Sawyer était « malade », le moindre débordement pouvait très mal finir.

— Donne ça, a ordonné le Vétéran, qui contenait sa colère.

— M... mais, a balbutié l'androgyne, dont la lèvre inférieure s'était mise à frissonner, c'est mother Rosa...

— Donne-moi cette chose ! a craché Sawyer entre ses dents.

— Sawyer... ! a murmuré Boyd, la gorge manifestement trop serrée pour pouvoir ajouter une autre syllabe.

J'ai vu sa main tremblante presser le chapelet au fond de sa poche. L'Irlandais l'a repérée également et a forcé l'Américain à retirer l'objet de sa cachette en lui broyant le poignet. Lorsque j'ai entendu le cri de douleur de Boyd, j'ai décidé que c'en était trop et je me suis précipitée vers les deux hommes. Saw avait déjà arraché à son ami le chapelet. Il semblait dans une colère noire, mais restait maître de lui-même. Il s'est dirigé vers le barbecue aux braises encore rougeoyantes. L'androgyne, comprenant ce qu'il s'apprêtait à faire, m'a devancée :

— Non ! Sawyer ! Tu n'as pas le droit ! a-t-il hurlé, furieux.

Mais l'Irlandais, sans hésiter, a jeté la grappe de perles dans le feu.

— Non !

Boyd a tenté de retirer le chapelet du barbecue, mais Saw lui a attrapé le bras et le lui a violemment tordu. Il avait un air froid et impitoyable qui faisait peur. L'Américain a plié sous la douleur.

— Sawyer ! a-t-il gémi, scandalisé.

— Je ne veux pas te voir avec ça ! a sifflé son aîné avec une haine sans bornes.

Comme le chapelet s'était embrasé, Boyd a tout de même tenté de le récupérer, de sa main libre. Voyant cela, Sawyer a levé le bras pour frapper son ami, qui a fermé les yeux, les doigts dans les braises. C'est là que je suis intervenue.

Avec une rapidité qui me surprend encore beaucoup alors que j'écris ces lignes, je me suis ruée devant Boyd, le bousculant à demi, et ai paré le coup que Saw s'apprêtait à lui porter avec le poignet. Ça m'a vraiment fait super mal : j'ai été très choquée en réalisant la force qu'il avait employée – et rappelez-vous que le Vétéran visait le visage du pauvre Américain... Du pied, j'ai repoussé l'Irlandais, qui a perdu l'équilibre. Sans regarder mon poignet – qui est ensuite devenu bleu, je le précise au passage –, j'ai déclaré calmement :

L'Escorte 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant