Chapitre 10

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Charles est un très mauvais menteur. Il ne s'est pas entraîné depuis 3 semaines, lorsque sa misère bat son plein, il n'y a de la place pour rien d'autre dans sa vie.

« Tu vas me dire ce que t'as un jour ? » La voix de Tao retentit dans ses oreilles alors que Charles refuse pour la troisième fois de venir à la bouffe organisée par ses coéquipiers, même en temps de covid, ils veulent rester soudés.

Le soleil est haut dans le ciel pratiquement à août, il sent son corps rouillé – même si ce n'est pas la seule chose qui l'inquiète. « Puisque je suis maintenant ton alibi, tu devrais au moins me faire savoir ce que je dissimule. »

Il est vrai que les entraîneurs ont souvent demandaient d'où venait sa non présence pendant ces fameuses semaines. Charles soupire, l'esprit lourd de réalisation. « Je ne sais pas, Tao. Je... je ne sais vraiment pas. »

Le problème, en réalité, c'est qu'il dépendait trop de Damian. Il avait fait peu avec lui finalement, mais la normalité s'était vite installée dans son esprit, et maintenant ça lui manque. Son quotidien avait changé et il avait changé en tant que personne. Savoir qu'ils n'étaient pas en bon termes et qu'il ne pouvait même pas l'appeler comme avant... c'était déchirant. Il n'existe pas d'alternatives toutes faites pour combler le vide laissé. Il ne veut pas non plus d'alternatives. Il veut ce qu'il avait. Sachant même que c'était lui qui avait mis terme à son propre bonheur.

Il ressent avec acuité l'écart, sa présence manquante. Il tend la main vers quelqu'un à travers son lit une ou deux fois, alors qu'il vient juste de se réveiller ou de s'endormir, et n'obtient que des draps froids. Il y a quelque chose qui devrait être là, quelque chose qui appartient à cet endroit, et maintenant c'est parti.

Il avait l'habitude de se dire qu'être seul tout le temps, c'était bien, c'était normal, que ça ne le dérangeait pas du tout. Maintenant, il sait que ce n'est pas vrai. Il sait désormais, incontestablement, à quel point sa vie est meilleure avec quelqu'un d'autre. Avec Damian, en particulier, dedans.

Il sait que Damian passera à autre chose, qu'il finira par s'en remettre et qu'il reviendra à sa place initiale, laissant Charles exister en dehors de sa vie. C'est juste douloureux, à y réfléchir.

Tao le regarde avec tristesse. Charles discerne presque de la pitié, s'il ne connaissait pas mieux son ami. « Tiens, si tu as besoin, c'est chez lui que je vais. » Charles attrape le petit papier cartonner.

Hadrien Gerbaud – Psychologue

Il y a quelques mois, Charles aurait rigolé, démenti avoir besoin de quelque chose de la sorte. Peut-être se serait-il moqué, comparé aux charlatans qui extorque l'argent de leur client. Tao y va, et Charles connaît la force mentale qu'il possède. Il doit savoir que quoi il parle.

Il ne dort pas bien ces derniers temps. C'est peut-être qu'il doit à nouveau s'habituer à dormir seul. Peut-être qu'il a juste trop de pensées qui l'empêchent de dormir. Son coloc avait brièvement eu un hamster quand ils étaient enfants, et ils avaient dû dormir dans la même pièce que sa cage. C'est quelque chose comme ça, entendre le grincement répétitif de sa roue toute la nuit, courir et courir sans rien obtenir pour ses efforts.

En fait, cela l'épuise vraiment. C'est un athlète professionnel, il doit rester le meilleur de lui-même, et il ne peut pas y parvenir s'il se retourne et se reretourne la moitié de la nuit pour essayer de s'endormir. Cela signifie qu'il se présente à l'entraînement avec un mal de tête, sourcils toujours plus bas sur son front, yeux qui palpitent.

Il en souffre toute la matinée, essayant de s'hydrater le plus possible, sans grand résultat. Il n'aime pas prendre des analgésiques, il a toujours l'impression que c'est un aveu de défaite, comme s'il laissait la douleur gagner parce qu'il oblige son corps à l'ignorer au lieu de l'arrêter à la source. Mais après avoir suffisamment serré les dents, il cède et va les solliciter auprès de quelqu'un.

L'amour, l'amour, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant