Chapitre 1

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Charles ne se souvient plus qui lui a parlé de Damian. Peut-être Morgan ou Gaël, ou même Antoine, arrivé sensiblement au même moment. Peut-être venait il d'allumer la télévision au hasard pour assister à ses débuts à Clermont. Il ne s'en souvient tout simplement pas. Cela lui semble étrange maintenant, de ne pas se souvenir du début de leur histoire. Mais ce n'est peut-être pas juste. Ce n'est pas vraiment leur histoire. C'est celle de Damian et Charles n'en fait pas partie réellement. Il devrait se considérer heureux d'y être témoin.

Ce que Charles se souvient cependant, c'est leur première rencontre.








Ce samedi 17 juin 2017, contre l'Afrique du Sud, Charles découvre qui est Damian Penaud. Un vainqueur, un garçon doté de talent, le nouveau talisman de l'aile du XV de France - déjà – féroce à la Coupe du Monde U20. Mais Charles est encore presque surpris lorsqu'il fait ses premiers pas sur le terrain en Afrique du Sud.

Il sait que Damian est rapide, agrile, puissant ; il a entendu qu'il a fait quelques fins de match à Clermont. En le voyant à quelques mètres de lui, l'air légèrement pâle et timide, il n'arrive pas à croire à quel point il a l'air perdu. Jouer contre des garçons de son âge, c'est bien, mais il n'est pas sûr que Damian puisse même tenir dix minutes contre des joueurs comme Etzebeth ou Loane, lui à peine professionnel.

Cinq minutes plus tard, le ballon atterrit dans les mains de Damian et Charles ne doute plus jamais de lui.

Lorsqu'il gagne son duel du bout des doigts, son adversaire finissant au sol les mains vides, Charles sait que Damian sera un cas pour quiconque se mettra sur son chemin.

Charles sait que Damian est rapide, agile, puissant mais aussi combatif. Mais contre ses Sudaf si assoiffés de victoire, la défaite actée bien avant le coup de sifflet final, ce jeune garçon de Clermont s'élance à la 71e pour marquer l'essai pour leur échapper de frôler le ridicule. Et même quand le match se termine et qu'il quitte le terrain, tête basse mais poings serrés, il s'en veut.








44 – 8 C'est le score final.

Ces deux chiffres affichés sur tous les écrans du stade. Comme fixer le soleil, Damian s'interdit de les regarder. C'est frustrant pour tout le monde, et il semble y avoir un courant constant de tension sous-jacente entre les joueurs, brisé seulement par les fréquentes explosions de Brunel. Damian a le sentiment que tout le monde ici est presque trop habitué à perdre. Une équipe comme la leur, faite de joueurs de haut niveau, pensant pouvoir reproduire les exploits de clubs au niveau international. Trop jeunes, trop de carences, pas assez de banc. Avec le drapeau tricolore dans leurs dos, les exigences ne peuvent être que décuplées. Mais cette défaite est particulièrement humiliante pour Damian qui voit son homologue anglais le dépasser comme s'il était tout simplement inexistant.

Dans les vestiaires de Twickenham l'atmosphère est irrespirable, les pressant tous dans une épaisse couverture. Mais Damian soupçonne qu'il le ressent le pire d'entre-deux. Il considère son équipe comme une extension de lui-même, ou peut-être lui comme une composante de l'équipe. C'est difficile à dire à présent. Ils ont perdu mais pour Damian, il les a fait perdre, le rouage défectueux de la machine, ce soir, c'était lui.

Il reconnait la voix de Gaël, demandant ce que chacun fait ce soir pour se remonter le moral. De faibles réponses ose briser le silence écœurant dans un espoir de chaleur humaine. Certains vont voir leurs familles, d'autres s'invitent à boire un verre. Il ne semble pas que quelqu'un d'autre rentre à l'hôtel pour s'assoir seul. Damian reste silencieux.

Ils sortent tous un par un, se dispersant hors du stade et retournant dans la ville pour une soirée plus heureuse. Damian reste cependant, marmonnant une excuse pour attendre un appel, et tout le monde semble content de le laisser faire. Antoine lui donne une tape sur l'épaule et lui fait un signe de la tête alors qu'il part, mais Damian ne peut croiser son regard. « C'est dur mais il faut aller de l'avant, on ne peut qu'être meilleur ». (Avec le recul Damian a toujours su qu'il serait capitaine avec une telle maturité).

L'amour, l'amour, l'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant