Le Manoir

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La pluie bat son plein, Laurent se dépêche de rentrer chez lui. Il monte en quatrième vitesse le portique et arrive devant la porte de son manoir. L'homme rentre, retire son blouson trempé par l'averse et le pose sur son portemanteau. Enfin son "portemanteau", c'est plus tôt un homme, habillé d'une combinaison en latex. Il est immobile, sa combinaison noire le recouvre intégralement de la tête. Ses coudes sont collés à ses côtes, ses avants-bras sont légèrement dépliés, les paumes de ses mains orientés vers le plafond et ses doigts écartés. Laurent le regarde à peine, il accroche son blouson aux doigts de l'homme, se déchausse et part vers le salon. Il passe à côte de sa table à manger. Un magnifique plateau carré en verre tenu par quatre autres soumis, portant la même tenue que le premier. Leur tête est dirigée vers le centre, et ils sont complétement pliés en deux. Le plateau est posé sur leur dos et leurs bras. Leurs mains se referment sur le verre. Laurent continue sa course vers sa chambre, fatigué de sa journée, il ne souhaite que se coucher. Un homme nu se tient devant sa porte. Laurent s'arrête devant lui.

- Ont-ils tous mangé ? Demande-t-il sèchement.
- Oui Monsieur. Répond aimablement l'homme.
- Bien allez, vous couchez !
- Merci Monsieur.

L'homme derrière Laurent. Lui rentre dans sa chambre, allume la lumière. Son lit apparaît devant lui, le rêve. Au fond de la chambre, un tableau attire son regard. C'est celui que le peintre s'affaire à travailler ces derniers temps. Il s'approche et s'assoit sur un petit tabouret sans dossier devant la toile. Le tableau est vide, totalement blanc. Le regard de Laurent s'attriste de cette situation. On lui a commandé une œuvre, mais rien, comme si son imagination, qui a fait sa renommée, avait disparu. Il se lève fait le tour de la toile admire. Il admire la femme qui lui sert de chevalet. La pauvre est nue, attachée à des bouts de bois pour l'aider à soutenir son dur labeur. Elle ne bronche pas, "comment fait-elle ?", pour le supporter se demande alors Laurent. C'est pourtant elle qui a voulu cette vie, d'ailleurs comme tous les autres de la maison. Son esprit doit être complètement brouillé, flou, perdu...

"Perdu", étrangement, ce mot résonne dans la tête de Laurent depuis quelques semaines. C'est ça ! Laurent retourne s'asseoir sur le tabouret saisi un pinceau, et pour la première fois depuis des semaines, la toile devant lui prend vie.

Kinktober 2023Où les histoires vivent. Découvrez maintenant