Un stress supplémentaire puisque dans le cadre d'une émission enregistrée, peu importe que l'on ramène un livre ou un rouleau à pâtisserie oublié, notre incursion serait coupée au montage. En revanche, lorsque l'on est à l'antenne, on ne doit pas perdre une seule seconde, et surtout, les petites mains de l'ombre doivent tout faire pour ne pas être vues à la télévision.
Illico, je fais demi-tour. Je contourne les gradins à toutes jambes sous les regards stupéfaits du public, je me fraye un chemin à travers la foule de techniciens en tentant de ne pas me prendre les pieds dans les câbles, je galope dans le grand hall vide et froid exposé aux courants d'air. Je monte les marches et leur revêtement en moquette bleu grisâtre quatre à quatre vers le pôle rédaction.
Ça me rappelle les premiers jours quand je portais des chaussures à talons hauts. À force de monter et descendre les immenses escaliers une bonne vingtaine de fois en moins d'une heure, j'ai fini sur les rotules - littéralement !
Je portais aussi des tenues élégantes et me faisais un beau brushing parce que j'avais peur de faire tache à côté des stylistes et des journalistes aux looks irréprochables. Mais très vite, j'ai compris que mon apparence était le dernier de leur souci, et surtout, que je n'effectuais pas le même boulot.
Moi, je dois courir dans tous les sens, déplacer des éléments de décor parfois sales et plein de poussière ou faire le ménage ou la vaisselle juste après les rubriques. Rien ne sert de s'apprêter, la tenue idéale, c'est jean-baskets et queue-de-cheval.
Dans ma course, je suis obligée de maintenir mon casque audio sur ma tête, car avec les secousses, celui-ci glisse de mes oreilles et de mon crâne. Je fonce tout au fond du long couloir et entre dans l'open space. Je me dirige à l'autre bout de la salle, près de la fenêtre, où se trouve le poste de Gladys.
Au même moment, la voix de Christophe, le premier assistant réalisateur, me résonne dans les oreilles :
- Margot, il ne te reste plus que trente secondes !
Pendant ce temps, la présentation de Gregorio touche à sa fin. Notre célèbre styliste venu tout droit d'Italie est en train de citer les marques des différentes pièces de vêtements et accessoires portés par les mannequins.
Je remue toutes les feuilles volantes et autres services presse entassés sur le bureau, et enfin, je trouve le roman que Gladys doit présenter.
Je l'emporte sous le bras et tape un sprint. On peut dire que grâce à ce job, je dépasse mon quota de sport par semaine.
- Quinze secondes !
Parfois, j'ai l'impression de participer à une épreuve de Fort Boyard. Je devrais peut-être tenter l'expérience si, un jour, des inconnus sont invités. Je devrais livrer une bonne performance grâce à cet entraînement quotidien.
Je fonce à toute allure, j'inspire et j'expire au maximum pour ne pas m'infliger de point de côté. Je descends les escaliers et saute les cinq dernières marches en fléchissant les genoux, je cavale et aperçois les portes du studio.
- Sept secondes ! m'avertit à nouveau Christophe.
Je zigzague entre les techniciens et les tribunes, je bondis sur le plateau et plaque le livre devant Gladys qui me fait un signe de tête avec un léger sourire, encore partagée entre l'inquiétude et le soulagement.
- Baisse-toi ! s'insurge Christophe dans mes écouteurs.
La caméra se tourne vers nous.
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Flirt avec une Star
HumorMargot travaille sur des plateaux télé jusqu'au jour où elle décroche un job pour un film confidentiel. Alors que les prises de vue commencent, elle découvre que le rôle masculin est interprété par le célèbre Nathan T. Wellington, un acteur franco-a...