CHAPITRE VINGT-TROIS

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Je joue nerveusement avec mes doigts, l'estomac noué et le cœur un peu trop agité. Si les deux premières séances avec Sarah nous ont fait replonger dans de beaux souvenirs... Aujourd'hui on attaque la partie moins sympa, étant donné que j'ai dû avouer mes doutes sur la fidélité de mon mari... et mes doutes tout court.

- Et je sais que je ne peux pas lui en vouloir. Après ce que j'ai fait, je...

- Arrête avec ça, me coupe mon mari. Parce que tu m'as caché ton fils, j'aurais le droit d'aller voir ailleurs ? 

- Si je peux me permettre, intervient gentiment Sarah. Que ce soit durant nos séances ou même dans votre vie de tous les jours... Il faut que vous laissiez l'autre exprimer ses incertitudes et ses peurs. Même si elles reviennent souvent, même si vous avez l'impression de tourner en rond, c'est important de communiquer.

Ce que j'aime avec elle c'est qu'il n'y a aucun tabou, on peut parler de tout sans être jugé. Ce qu'elle a dit le premier jour est vrai, elle est là pour nous guider, elle nous aide à voir certaines choses différemment.

- Je ne pense pas que Louis vous dise ça pour vous faire du mal, ou pour vous donner l'autorisation, si je peux dire ça comme ça.

Je risque un coup d'œil vers mon mari qui semble réfléchir à ce que notre thérapeute vient de dire.

- J'avoue que ça m'a fait quelque chose de savoir que tu peux encore être jaloux même après onze ans... même si c'était pour de mauvaises raisons.

- Je n'étais pas jaloux, je nie aussitôt. Je dirais plutôt... possessif ?

- Mmh, c'est vrai que ça correspond mieux, répond distraitement Harry. Mon mari possessif... Je l'avais presque oublié celui-là.

- Tu avais oublié la partie de moi qui te plaisait le plus au début ? je ris nerveusement.

- Pourquoi dîtes vous ça ? nous interroge Sarah.

Je me racle la gorge en me redressant un peu sur le canapé.

- Comme vous l'avez compris, ça a été très fort entre nous dès le début. Trop fort parfois. Je suis devenu un petit-ami extrêmement possessif. J'avais constamment besoin de savoir avec qui il était, ce qu'il faisait...

Je sens le regard de mon mari sur moi alors qu'il m'écoute avec attention.

- Et ça me plaisait un peu... Tu m'as fait renier tous mes principes, il sourit doucement.

- Et toi les miens... Mais je me suis très vite rendu compte que ça devenait malsain et je n'aimais pas du tout ça. On a finalement trouvé un équilibre un peu plus sain et heureusement qu'on l'a fait.

Je prends la main de mon mari et entrelace nos doigts sur sa cuisse. Cet électrochoc au début de notre relation a été nécessaire pour nous, comme celui qu'on a aujourd'hui.

- Je devrais te bousculer un peu plus souvent, chuchote Harry. Te rappeler... Nous rappeler que même si on s'aime énormément, on est un vieux couple.

Son pouce caresse le côté de mon index avec une douceur inouïe. J'observe son geste et sens un bref sourire étirer mon visage. Il disparaît rapidement lorsque mes pensées reprennent le dessus.

- On est tombé malgré nous dans cette routine, je murmure du bout des lèvres, peu sûr d'où je vais. Les enfants ont certainement aidé à ça. Avant eux, c'était plus... on avait un peu plus de folie. Tu pouvais me rejoindre sur un coup de tête sans que ça ne soit toute une organisation...

- Tu regrettes nos enfants ?

- Non, absolument pas, je m'empresse de répondre. Aucun d'eux. Pas une seule seconde. Mais... je crois qu'on s'est un peu laissé envahir par... tout ça. La parentalité, cette petite vie bien rangée...

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