9. Dans le noir

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PAUL.

Installé - dans ce que j'appelle mon coin du parc - je regarde les enfants jouer et rire, les mères papotent entre elles, assises sur les bancs, les sportifs et les chiens qui courent après les oiseaux. Puis mon regard se perd dans le vent qui souffle sur les feuilles, mes oreilles sont attirées par le bruit de l'eau qui clapote à mes pieds. Mes mains touchent cette roche qui a résisté à bien des orages, alors que moi j'arrive à peine à tenir jusqu'au lendemain. Mon téléphone n'arrête pas de me signaler l'entrée de nombreux messages mais je n'ai pas la force de continuer à faire semblant. Seul mon grand-père connaît cet endroit du parc, et sera celui qui viendra m'y retrouver si quelqu'un a réellement besoin de moi. Comme tous les jours où la vie est trop dure, j'ai pris mon vélo et j'ai pédalé jusqu'à ce que la seule chose que je ressens est la brûlure de mes cuisses. Je laisse sortir cette part de moi, dont personne n'à jamais entendu parlé, cette part de moi qui restera toujours à moi. Mon cahier qui me suit depuis le premier jour où j'ai appris à écrire. Mes premiers mots étaient de simples essais avant qu'au fil des années ils ne deviennent mes cris du cœur. Je couche sur papier, les souffrances que j'ai ressentis en grandissant comme fils de pute ou de criminel. Comme éventuel héritier de biker. Comme meilleur ami, qui a la force de soutenir le monde sur ses épaules. Je donne des noms aux monstres qui me hantent, je dessine un visage aux démons qui m'habitent. Mon jardin secret n'est que noirceurs, monstres et démons. Dans mon jardin secret, je n'ai pas à être lumière ou joie de vivre, non au fil des pages je laisse tout ce coté le plus noir de mon âme et une fois le cahier fermé, je passe à autre chose. Ça a toujours fonctionné pour moi, alors pourquoi aujourd'hui, quand je ferme la porte de mon intimité je ne parviens pas à oublier ce que j'ai vu sur le dos de celle qui est mon amie. Pourquoi je ne peux m'empêcher de penser à elle, de m'imaginer ce qu'elle doit non vivre mais subir, de ce qu'elle doit faire pour survivre au lieu de simplement vivre. Enervé par mes pensées si tristes je balance mon pied contre le rocher et m'explose le gros orteil.

_Si ton rêve est de devenir footballeur, crois-moi, il te reste du boulot.

Papy est là. Il a ce don de toujours savoir quand il faut me laisser ruminer ou quand il faut me sortir du gouffre. Je me tourne alors vers lui en me maudissant.

_ Mais quel con.

_ J'avoue que sur ce point-là je ne peux pas te contredire.
_ Merci papy. Toujours les mots qu'il faut, quand il faut.

_ C'est un don gamin.

Papy, dont le sang est aussi chaud que des braises, m'assieds sur mon rocher et sans rien attendre de moi commence à me parler de sa rencontre avec son seul et unique amour.

_ Je t'ai déjà dit que c'était ici même que je lui avais fait ma demande ?

_ Non.

_ Nous étions venus faire une grillade après la messe du dimanche. Nous savions que ce serait la dernière fois avant longtemps que nous nous verrions. Mais au lieu de pleurer ou de se lamenter ta mamie s'est mise à chanter et à danser, comme si nous étions seuls au monde et que le lendemain n'existait pas pour nous. Elle tournait sur elle-même, les bras en l'air telle une fée. Je ne sais toujours pas comment ça s'est arrivé, mais tout à coup je me suis vu à genoux au sol en train de lui faire ma demande.

_ Sérieux ?

_ Oui. Je n'avais pas prévu de la demander en mariage. Mais quand elle s'est mise à virevolter autour de moi. Je n'ai pas réussi à me voir dans ce monde sans elle à mes côtés.

Il se tait , perdu dans ses pensées, alors que moi j'essaye de me faire la scène dans la tête. Malheureusement, je n'ai pas eu la chance de connaître mamie, car elle est décédée deux mois avant ma naissance.

The Horsemen of Death- 4ever - 🔞🔞🔞🔞🔞🔞🔞Où les histoires vivent. Découvrez maintenant