Chapitre 24 : Seonghwa

242 17 11
                                    


Je regarde la voiture de Hongjoong s'éloigner au loin en m'écroulant, impuissant face à la situation qui me dépasse. San ressort à son tour de la station de métro désaffectée avec les autres. Le noiraud s'agenouille à côté de moi et me prend dans ses bras. Je m'agrippe à son pull que je trempe de mes larmes. Il me demande : 

" Tu veux rentrer ?

- S'il-te-plaît, supplié-je. " 

Les autres hochent la tête. Ils partent tous en disant au revoir à San, car je suis toujours contre le sol glacial, le regard perdu, les yeux humides qui rêveraient plutôt d'être posés sur Hongjoong que sur le bitume. 

***

Quand il me dépose devant chez moi, il s'assure : 

" Tu es sûr que tu ne veux pas que je reste avec toi ? 

- Ouais, je... J'ai envie d'être seul. 

- OK. Appelle moi au moindre problème, dit mon meilleur ami. 

- J'hésiterai pas, affirmé-je en souriant faiblement, touché par sa gentillesse. " 

Puis je rentre dans ma maison sans un regard pour lui. 

Je m'échoue sur mon lit. C'est une mauvaise idée. À peine ma peau est en contact avec le tissu, ça me rappelle Hongjoong, avec qui je devrais être normalement. C'est dans ce lit qu'on a fait notre première fois, souvenir merveilleux. Mais maintenant, il me déteste et m'a abandonné, comme les autres. 

Comme lui

Je me rappelle encore très clairement ce qu'il m'a dit avant de partir...

Flashback : 

Je descends les escaliers, m'interrogeant sur la provenance des cris et sanglots que j'entends depuis ma chambre. Quand je déboule dans le salon, je semble couper une conversation déchirante pour ma mère. Mon père soupire, agacé. Je lui demande : 

" Qu'est-ce qu'il se passe ? " 

Aucun des deux ne dit quoique soit. Alors j'insiste. Ma mère souffle un bon coup, et m'annonce : 

" Ton... Ton père a décidé de partir. Il... On... On se sépare. 

- Hein ? m'écrié-je, incrédule. " 

Mon père s'agace encore et m'explique : 

" On m'a offert une super opportunité professionnelle. Je sens que ma créativité est au top en ce moment, il faut pas que je me loupe. Mais être ici, mon rôle de père et de mari, ça commence à... À altérer mon potentiel. 

- Qu'est-ce-que tu veux dire en gros ? fais-je. 

- Ton père nous quitte pour sa carrière. Sa putain de carrière, et sa putain de secrétaire, ajoute Maman d'un ton amer. 

- Parle correctement devant lui, s'agace Papa. 

- Oh, si tu t'intéresses tant à son éducation, pourquoi tu pars à l'autre bout du pays avec ta pouffiasse ? " 

Je reste ébahi. Mon père nous quitte pour son métier ? Il... Il nous laisse pour sa carrière et sa maîtresse ? Il sacrifie sa famille pour elle et son travail ? 

Non, c'est impossible. Mon père ne m'abandonnerait pas... N'est-ce pas ? 

Je lui demande : 

" Tu t'en vas pas vraiment, hein ? 

- J'en ai marre de perdre mon temps avec ta mère et toi.

- Alors on est une perte de temps pour toi ? pleuré-je. 

- Désolé, fiston, déclare-t-il en plaquant sa main sur mon épaule. " 

Puis, il s'en va pour de bon, sans se retourner, nous laissant tous les deux, ma mère et moi. D'un même mouvement, nous tombons dans les bras l'un de l'autre, soudés dans la douleur et l'abandon. 

Et j'ai alors compris : plus rien ne serait comme avant. On sera seuls. 

De sa faute. À mon père. 

Fin du flashback 

Et c'était il y a deux ans, jour pour jour. Alors depuis, cette date est la plus redoutée de l'année pour moi.

 Parce qu'elle n'a de cesse de me rappeler que mon père ne m'aimait pas assez pour avoir ne serait-ce qu'envie de me voir un weekend sur deux. Que j'étais une perte de temps pour lui. Que je l'empêchais de vivre la vie qu'il voulait. 

Cette date me rappelle que je suis une tâche, celui qui gêne. 

Celui qu'on abandonne parce qu'il n'en vaut pas le coup. 

Je prends un médicament pour atténuer la douleur qui résonne dans la tête. Quand j'étais avec le bleuté, je ne repensais plus à mon père.

 J'étais bien. Vraiment bien.

Et c'était la première fois que ça m'arrivait depuis trop longtemps. Mais maintenant, il me déteste, comme au début de notre relation. 

Malgré mes démons du passé qui refont surface, je tombe de fatigue, harassé de pleurer sans cesse. 

***

Je me réveille pour aller au lycée, mais c'est beaucoup trop tôt. Et j'en ai vraiment pas envie. En fait, je crois même que je ne pourrai pas m'y rendre. Je pèse trop lourd, et peut-être que je vais pouvoir fusionner avec le lit si j'y reste. 

Je guette un peu la maison, et m'aperçoit que ma mère n'est déjà plus là. Je retourne donc me coucher. 

Bien que je sois épuisé, je ne dors plus. Je passe alors ma journée à enchaîner mes cigarettes, deux ou trois de mes bières cachées sous mon lit, et vérifier si Hongjoong m'envoie de ses nouvelles. Je vomis à plusieurs reprises, mais je e m'arrête pas pour autant. Je crois qu'en fait, c'est le seul moyen que mon corps trouve pour me dire que je ne suis pas mort, mais que je dois me traîner encore de longs jours avec mes peines et mes douleurs. 

Je reçois des messages des gars, sauf Hongjoong, alors que c'est de lui que j'espérais en recevoir un. Je leur fais croire que j'ai chopé un truc, et ils me croient tous, ces cons. Enfin, ce n'est qu'à moitié un mensonge. 

Je dégueule vraiment. 

***

Le soir, je vais dans la station de métro désaffectée pour aller me bourrer la gueule autre part que chez moi. Je me réfugie dans le coin des toxicos. Je m'enfile encore une bière, assis, le dos et la tête collés au mur froid. 

Le mec à côté de moi me propose un joint qu'il fait tourner. J'en tire une bouffée. C'est vraiment dégueulasse, mais si ça me permet d'oublier, pourquoi pas... 

Aucun de nous ne parle. On fume juste, et ou on rit, ou on pleure, ou on dort. Parfois les trois en même temps je crois. On se laisse envahir par la drogue. Je me sens planner. Je ne savais pas que d'autodétruire était si agréable. Je suis léger, comme si mon âme quittait lentement mon corps, que mon esprit s'envolait. Mais une fois quelques minutes passées, je retrouve le poids de mon corps. 

Oh oui, ce putain de corps que je traîne tous les jours. 

Je me décide à sortir d'ici avant qu'il ne se fasse trop tard, pour ne pas que ma mère ne s'aperçoive de quelque chose. 

Je m'échoue sur le lit. Je suis lourd. Trop lourd. 

Je me mets alors à pleurer. Pleurer.  À croire que les larmes sont les seules qui veulent de moi. 




Save me, babyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant