CHAPITRE IV

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- Myriam.

- Myriam comment ?

- Ce n'est pas la peine de connaître mon nom de famille, répondit-elle d'un ton sec, on l'utilise jamais ici.

À quoi ressemblait Myriam ? J'avais une idée, qui se basait sur sa voix, son caractère, son prénom. Pour moi, elle était brune, pas très grande. Je me l'imaginais avec un visage rond. L'envie de savoir était plus forte que moi.

- Comment es-tu ? demandai-je maladroitement. Enfin, je veux dire ton physique et, euhh...

Je me sentais stupide. Le bout de mes oreilles me brûlait. N'importe quelle fille se serait indignée, ou aurait été gênée.

Inutile de préciser que Myriam n'était pas n'importe quelle fille. Elle éclata d'un rire clair.

- Je pourrais, si je voulais, me faire passer pour Miss France, tu n'en saurais rien !

- Disons que je te fais confiance, lui dis-je en souriant.

Ça faisait longtemps - à mon échelle - que je n'avais pas souri. Un élan de reconnaissance germa pour cette "inconnue".

Je ne m'étais presque pas trompé dans sa description. Au lieu du visage rond, il était fin. Elle m'avoua avec une honte amusée qu'elle ne faisait qu'un mètre cinquante-sept.

Myriam m'entraîna dans les meilleurs endroits de la forêt. Un doux vent atténuait la chaleur de St Val.

Elle avait une conversation si vivante que j'en oubliais ma cécité. Son humour balaya les vestiges de ma tristesse. Elle semblait à l'aise, heureuse, dans le monde.

- Myriam, quel "problème" t'a envoyé ici ? m'enquis-je, perplexe.

Je ne voyais pas comment cette fille si vivante et chaleureuse pouvait être considérée comme "une enfant avec des problèmes".

- Apparemment je suis folle, répondit-elle avec un dédain spectaculaire.

Je ne pouvais pas y croire.

- Attention, c'est prouvé scientifiquement, ajouta-elle ironiquement. Mais bon, tu n'a pas vu les autres. Quand je t'ai dit qu'on allait s'éclater, c'était presque sérieux.

- Toi, presque sérieuse ?

Elle rit avec moi.

- Il le faut bien. Pour te faire un topo rapide, on est cinq : Marlène, handicapée des jambes, elle ne peut pas de déplacer seule. Son passe-temps est de râler et critiquer l'humanité. C'est que le début. Ensuite c'est Grégory. On sait pas vraiment s'il est physiquement muet ou s'il refuse juste de nous parler, mais personnellement, je ne l'ai jamais entendu. Il ne regarde personne dans les yeux et nous considère pour du rien.

- Aïe.

- Tu le dis. Après ça, on a Becky. Elle a notre âge mais son cerveau est resté coincé en maternelle. C'est un enfant prisonnier d'un corps adulte. Et pour finir, Paul, que je n'ai jamais vu, phobique de la société. Il ne sort jamais. La seule personne qui ne le fait pas paniquer, c'est Mme Sagne. Et puis moi, folle. Ambiance de dingue, t'as vu ?

- Tu vis constamment avec eux ?!

C'en était trop pour mon imagination. Trop. Je ne parvenais pas à saisir comment Myriam, riante et sarcastique, pouvait vivre coincée dans cet asile.

- Depuis deux ans, avoua-t-elle.

Je tombais par terre. Sur les fesses. Je la sentis à côté de moi.

- Tu te demandes comment tu tiendras ? dit-elle doucement.

Ses bras me saisirent les épaules et m'aidèrent à me relever.

La nuit sans étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant