CHAPITRE VIII

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J'ignorais si j'avais un miroir. De toute façon, il ne m'aurait été d'aucune utilité.

Mais quand même.
Je voulais être présentable, être beau...
C'est vrai que l'idée de beauté avait déjà fait son deuil dans mon esprit depuis les trois semaines que j'étais interne à St Val.

Trois semaines, déjà. Ça me paraissait énorme, avant que ma mémoire ne me souffle : et pour d'autres, ça fait bientôt trois ans...
Charmante cette mémoire, quand on essaie de positiver.

J'enfilais donc mes vêtements en attendant l'arrivée de Mme Marie..

Après quatre heures de lutte contre mon t-shirt (je ne trouvais pas le trou pour la manche), je me levais pour évaluer (en imagination) mon style. Pourquoi voulais-je à tout prix être beau?
Acune idée. Sans doute une pulsion de mon âme d'artiste, qui sait?

Trois coups frappés à la porte interrompirent ma savante reflexion.

Mme Marie devait me chercher, à cette heure-ci. Mais au lieu de sa voix douce et posée, j'entendis celle rieuse de Myriam.

-Nan, Raphaël, serieux !? s'exclama-t-elle.

- Euh.... bonjour ? tentai-je désemparé.

Son rire ne fit que redoubler. Super. Elle s'assit - ou plus exactement, elle bondit - sur mon lit, faisant grincer ses pauvres ressorts.

-On garde son calme, dis-je, et on m'explique ce qui se passe.

J'avais essayé de mettre un peu de sérieux dans mon intonation. Mais quand mon interlocuteur s'appelle Myriam Castel, et qu'elle est surexcitée,
autant vous dire que que ça ne marche pas.

- Pourquoi je me marre? demanda-t-elle.

- Oui.

- Trois bonnes nouvelles !

Déjà qu'à St Val, une bonne nouvelle semblait rarissime, alors trois! OK, j'étais aveugle, mais Myriam, elle, semblait subir des hallucinations.

- Devine, dit-elle.

- À tout hasard .... Marlène serait-elle devenue muette? répendis-je.

Note à moi même : ne jamais tenter d'être drôle avec une fille déjà morte de rire. Elle peinait à reprendre son souffle, tant mon humour était tordant ( je l'ignorais moi aussi, rassurez-vous).

- Ç'aurait été trop beau, ça, Raphaël.

- Alors Sagne est absente, hasardai-je.

- Un point !

L'hilarité me prit, moi aussi.

- Ça te met dans cet état ? répliquai je.

-À St Val, les bonnes nouvelles, ça pleut pas répondit-t-elle, il faut savoir les apprécier.

J'avais à peu près la même philosophie de vie. À une différence près qui était qu'apprécier une bonne nouvelle me me faisait pas non plus pleurer de
rire.

- Je vais te dire les autres, dit Myriam, tu ne trouveras jamais, sinon.

- Tu me trouves trop bête? ironisai-je.

- C'est un peu ça le concept.

Un grand sourire s'échappe malgré moi de mon cœur et vint étirer mes lèvres.

- Deuxième bonne nouvelle: tu as reçu une lettre.

Je ponçais les sourcils : qui pouvait m'écrire ?

- Troisième bonne nouvelle, enchaîna Myriam, mais ça, tu n'y es pour rien.

Elle reprit bruyamment son souffle, pour contrer la nouvelle vague d'hilarité qui lui secouait les côtes.

La nuit sans étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant