Un autre monde

chapitre 8

Alex

Euh... C'était quoi ça ?
Rick m'a embrassé... Rick m'a embrassé !!
Je suis en plein délire... Ou en fait je me suis endormi et je suis en train de rêver...

Ok c'est un petit baiser sur la joue, mais mince c'est, je crois, le geste le plus tendre que j'ai jamais reçu...

Question baisers, on peut pas dire que je sois un expert.

Mes parents n'étaient pas tactiles et encore moins bisous.
Bettany, mon premier baiser "amoureux" : concédé contre mon gré et particulièrement désagréable.
Dans la rue, quelques câlins, surtout destinés à ce tenir chaud, avec quelques prostituées que j'aimais bien, mais pas de baisers.
Et ne parlons pas de ce qui se passait avec les clients, ça ne mérite pas le nom de baisers.

C'est...wahou...à la fois merveilleux et perturbant.
Mais soyons clair, à moins qu'il ne le fasse, je ne compte pas en parler avec Rick. Je ne voudrais pas qu'il regrette son geste, ça en ternirait la saveur.
Je compte enfouir ce doux moment bien au fond de mon cœur, il le réchauffera quand cette parenthèse dans ma vie sera loin derrière moi.

J'aimerai tant que ce simple geste ait autant de signification pour Rick que pour moi.
En deux jours, je me suis tellement attaché à cet homme et cet endroit, que je sais déjà que ce sera un crève-coeur le jour où je devrais quitter tout ça.

Ici je n'ai à m'inquiéter de rien, je n'ai pas à surveiller mes arrières, à faire attention à qui je parle.
Je n'ai pas peur de croiser ma famille au coin d'une rue et qu'ils s'en prennent à moi. Qu'ils jubilent de constater que ce qu'ils avaient prédit s'était produit.
Je n'ai pas peur de me faire agresser pour quatre sous difficilement acquis.

Ici je suis libre. Mon coeur et mon corps sont en paix.
Et Rick... Rick est un compagnon parfait. Attentif, prévenant.
Nous pouvons parler de tout, comme il nous est simple de simplement rester en silence, sans que cela ne soit gênant.

Oui vivre ici , ce n'est pas de tout repos, ce que l'on a s'obtient par un dur travail.
Mais c'est si satisfaisant de voir tout ce que l'on peut faire de ses mains.
J'ai appris que les poteaux sculptés autour de la cabane l'avaient été par Rick, en souvenir de sa mère qui adorerait les plantes grimpantes et les petits animaux.
La maison de son enfance avait peut-être été détruite, mais il voulait que la nouvelle garde une trace de leur passage sur cette terre.
Je trouve l'intention merveilleuse.

Cet homme a longtemps été en colère contre ce qu'il estimait avoir dû subir durant sa vie. Je crois qu'il est en train de trouver la paix, et si je peux y contribuer, ne serait ce qu'en parlant avec lui, tant mieux.
Au moins j'aurai fait quelque chose de bien.

Il faut dire que ça n'a pas forcément été le cas ses dernières années.
Pour survivre, on ne peut pas dire que j'ai pris les chemins les plus sains.
Oh je n'ai jamais fait de mal à quiconque, enfin... J'ai commis quelques vols pour pouvoir manger, mais je l'ai fait le plus rarement possible, quand je n'avais vraiment plus d'autre choix.

Je n'en reviens toujours pas. Mon cerveau carbure à dix mille, et ma libido que j'avais mise en sommeil depuis longtemps se rappelle à moi.

Et oui, se prostituer, on ne peut pas dire que ce soit bon pour la libido. Mon corps était au service des autres, mes envies ou mon plaisir n'entrait pas en ligne de compte.
J'ai appris à être doué dans ce que je faisais, pas à aimer ça.
Au final, je sais que je suis gay parce que j'ai ressenti des émotions envers un inconnu à moto, et au torse nu d'un homme des bois. Mais je n'ai jamais eu l'occasion de découvrir les sentiments amoureux, le plaisir de la découverte des plaisirs du sexe.
Je n'en connais que les instincts les plus médiocres.