chapitre 15

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Rick

C'est la première fois que je me rends à la chasse avec une autre personne que mon père.

Bien sûr je ne parle pas de ma période passée chez les Marines, car devoir abattre des êtres humains, on peut pas appeler ça de la chasse, même si les principes de base sont les mêmes. Silence, patience, concentration, tir.

Je ne renie pas ces dix ans de ma vie, dont mon boulot a consisté à tirer sur les cibles qui m'étaient désignées. On ne me demandait pas de réfléchir à la justification de cet acte, pour moi chaque tir était justifié.
C'est le seul moyen de ne pas vriller : être certain que ce qu'on fait est juste.

À la chasse l'idée est la même. Je ne chasse pas juste pour le plaisir.
Chaque tir est justifié, soit par le besoin de nourriture, soit par besoin de se mettre en sécurité.
C'est pour ça que je veux qu'alex apprenne à tirer.
Je lui ai proposé de rester une fois son histoire réglée, et rester vivre dans la nature sans savoir se défendre, c'est inconcevable.

Cette proposition était vraiment sincère.
Je me suis imaginé un instant revenir à ma vie sans Alex, et la perspective m'a parue bien morne.
Partager les tâches, les repas, des idées avec une personne comme lui, c'est un tout autre mode de vie que ce que j'ai connu jusqu'à présent, tellement mieux.

Je commence à comprendre pourquoi mes parents aimaient tant cette vie, c'est parce qu'ils la partageaient.
Moi, je n'étais pas dans leur cercle intime, j'étais destiné à les quitter un jour, que ce soit en construisant ma propre cabane, soit en quittant la propriété comme je l'ai fait pendant dix ans.

Contrairement à ce que je pensais à l'époque, ils m'ont donné tous les moyens qu'ils pouvaient pour que je découvre ce que je voulais réellement pour moi.
Et c'est en les quittant que j'ai découvert comment faire la différence entre vie fantasmée et vie idéale.

J'ai vécu mon fantasme, et en suis ressorti totalement dégouté.
Au final, ma vie idéale, je la connaissais déjà sans vouloir le reconnaître à l'époque.

Aujourd'hui je le sais.
En parcourant les bois en silence en compagnie d'Alex, je sais que je suis à ma place, enfin.

Alex a un pas extrêmement silencieux.
Je pense que ses années passées dans la rue, à devoir échapper aux dangers environnants, lui ont appris à se déplacer en toute discrétion.

Tout d'un coup je m'arrête, à l'affût.
Par pur réflexe militaire je lève le poing serré. Alex semble comprendre car il s'arrête immédiatement instinctivement.

Du doigt je lui indique un mouvement dans les fourrés devant nous, et un glougloutement se fait entendre.

J'épaule mon fusil, l'arme et attends que l'animal se mette à découvert.
Dès que ma proie est à découvert, je tire et fais mouche.

- Tu l'as eu !!!
- La confiance règne... Je te rappelle que j'étais reconnu comme un excellent tireur chez la Marines.
- Oui mais je suppose que tu devais utiliser une arme bien plus précise que celle-ci.
- C'est sûr. Mais je devais tirer à une autre distance que celle nécessaire pour une dinde ou un chevreuil.
- Hmm oui je suppose.
Je peux récupérer ta prise ?
- Bien sûr vas-y.
- Wahou, mais elle est super lourde !!
- Vue la taille je dirais qu'elle fait dans les cinq kilos.  Les mâles, peuvent faire deux fois ce poids.
- Mon dieu. Mais en fait ça te fait une source super importante de nourriture !
- Oui. Entre la chasse et les porcs, ça me permet d'avoir une variété de viande importante.
- C'est vraiment bien. Je me rappelle que ma mère se plaignait en permanence du coût de la viande. Du coup on mangeait régulièrement des plats à base de viande hachée, c'était ce qu'il y avait de moins cher.
Au final, ce qui est sensé être une vie plus difficile parce qu'isolée, est en fait bien plus riche que ce que la plupart des gens peuvent s'offrir dans les grandes villes.
- Euh...oui, vu sous cet angle...
Allez, on rentre, il faut plumer, vider et découper la bestiole et on pourra ensuite commencer à préparer le repas de ce soir.
- Ok...
- C'est un petit ok ça... Qu'est-ce qui t'arrive ?
- Je me demandais ce que j'allais bien pouvoir dire sur ma vie si tes amis me demandent.
- Et si tu disais la vérité ? Bon peut être en omettant la partie prostitution parce que personne n'a besoin de savoir ça. Pas que j'en ai honte ou que mes amis puissent mal réagir, mais... C'est pas ce qui te défini. Enfin c'est toi qui voit.
- Le fait que j'ai un connard qui me recherche, tu penses pas qu'il vaut mieux éviter d'en parler ? Je sais pas, ça craint rien de le raconter ?
- Non, j'ai totalement confiance en leur discrétion. Et en plus ils sont notre premier rempart de sécurité. Si ils savent pourquoi c'est important de nous tenir rapidement au courant, ça ne peut être que mieux.
- Ok alors, ça me va. J'espère qu'on va s'entendre.
- J'en suis certain. Harry et Maddy sont très sympas tu vas voir. Je suis sûr que tout va bien aller.

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