Je suis de retour à Eagle Mountain Academy. C'est toujours cette même école somptueuse, studieuse et dirigée d'une main de maître par les RES.
Pourtant, tout semble avoir changé.
Parce qu'Easton Cooper ne me regarde plus comme si j'étais son monde...
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15 ANS
Mon cœur bat à cent-mille à l'heure dans ma poitrine alors que mon cerveau hurle que je ne devrais pas être ici, que ce n'est pas la place de Jennie Murphy. Et je crois que c'est exactement ce qui me pousse à traverser le passage piéton pour m'approcher du bâtiment en pierre rouge tout défraîchi.
Je n'aime plus le rôle que je joue depuis si longtemps. En réalité, je ne l'ai jamais aimé. Mais je m'y suis pliée sans broncher ces quinze dernières années parce que c'est ce qu'on attendait de moi. J'ai passé quinze ans à me plier aux attentes de la presse, de mes parents, de mon frère, de mes amis, de tous ceux qui prétendaient savoir qui je devais être. Ils m'ont poussé à être belle, mais naturelle. Audacieuse, mais respectueuse. À m'affirmer tout en restant réservée. Intelligente, mais sans jamais dépasser la moyenne. Polie et douce. Gentille et serviable. Sourire, même quand l'envie de mourir me taraudait. Rire, alors que mes yeux étaient encore rougis de larmes. C'était un défi quotidien, une bataille constante contre la personne que je ressentais au fond de moi.
Je suis épuisée. Je n'y arrive plus. C'est trop difficile à supporter. Je veux être magnifique sans craindre les regards critiques de ceux qui ne voient de moi qu'une façade. Je veux être courageuse, pouvoir lever le majeur sans me soucier des conséquences. M'affirmer sans me cacher derrière un masque de politesse. Être aussi intelligente que je le suis vraiment, sans craindre de froisser les égos en éclipsant les autres. Envoyer promener la planète entière si elle le mérite. Être méchante avec ceux qui le sont avec moi, sans culpabilité. Sourire quand j'en ai envie, pleurer quand la douleur est trop lourde, rire quand c'est sincère. Vivre comme je le veux, sans me soucier constamment de l'image que je renvoie.
Il est temps de briser ces chaînes invisibles, de me libérer des attentes oppressantes. Je veux être authentique, même si cela signifie être imparfaite aux yeux du monde. Je veux m'accepter telle que je suis, avec toutes mes facettes, sans craindre le jugement constant. C'est le moment de trouver ma véritable voie, de suivre mes propres règles, de vivre ma vie selon mes propres termes.
Lorsque le videur m'aperçoit, je sais qu'il me reconnaît. Pourtant, ma tenue est bien différente de la dernière fois. J'ai abandonné ma jupe sage et mon col roulé qui l'était encore plus pour enfiler des vêtements qui collent bien plus à l'ambiance que j'ai remarqué la dernière fois. Mon tee-shirt court m'a poussé à enfiler un manteau chaud pour protéger mon ventre de l'air froid alors que mon short en cuir est remonté jusque sous mon nombril. Mes bottines à talons martèlent le sol pendant que je comble le reste de l'espace qui me sépare de l'entrée.
— Dimitri est à l'intérieur, m'informe-t-il en se décalant pour me laisser passer.
Je hoche simplement la tête avant de pénétrer dans le sas. Comme la dernière fois, la musique pulse jusqu'ici, agressant mes tympans, mais aujourd'hui, je suis là pour le plaisir et non pas dans le but de poursuivre une mission d'espionnage qui me brisera le cœur. Quand je me suis rendu chez Dimitri hier, il m'a appris qu'il faisait partie d'un petit groupe de rock qui se produit ici tous les week-ends. Il m'a proposé de venir l'écouter aujourd'hui et bien sûr, j'ai accepté.
