1. Qui suis-je ?

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Il faisait sombre dans le coin de cette pièce, mais l'on pouvait m'y apercevoir les yeux regardants dans le vide, l'arcade ouverte. L'entaille descendait jusqu'au milieu de ma pommette gauche. Mes mains semblaient en charpie, la peau pendante et la chaire visible. Une chainette en or tombait sur le sol. Je serrais le pendentif qui était associé à cette dernière au creux de ma main droite sans qu'il ne puisse s'en échapper. Le sol de la pièce se couvrait d'un sang chaud et l'on pouvait remarquer sur les murs des traces de mains prouvant la lutte acharnée qui venait de se produire. L'odeur nauséabonde de la pièce pourrait stopper l'odorat, si ce n'est faire perdre connaissance à quiconque pénétrerait dans ce lieu morbide sans y être préparé. De l'autre côté de la pièce gisait un cadavre, un couteau planté dans le cœur. Il baignait dans son propre sang depuis plusieurs minutes.

Les actes de cet homme étaient la cause de ma colère et sa mort, la conséquence de ma haine. Ce spectacle s'accompagnait de sifflement de coups de feu et de hurlements de douleur, mêlés au flot silencieux des larmes qui coulaient sur mes joues. La personne assise contre le mur, le visage ensanglanté, c'était moi. Je venais d'essuyer la plus grande défaite de ma vie, je venais certes d'abattre un homme, mais j'étais réduit à néant. Ma tristesse et ma haine m'empêchaient de ressentir la douleur que subissait mon corps depuis de nombreuses minutes. Je n'aspirais qu'à mourir au plus vite. À mon visage et mes mains abîmées s'ajoutaient cinq côtes cassées et un couteau planté dans le ventre. Je ne réfléchissais plus, je ne pensais plus. Je me contentais de fixer le mur face à moi en entendant les sons et les discussions alentour. Je me souviens que l'on m'attrapa le bras, puis plus rien, le black-out total. Malgré ma volonté de changer le monde et ses injustices, un lamentable échec se dressa devant moi. Je me préparais depuis tant d'années. J'avais grandi dans ce seul but. Mes rêves et mon unique raison de vivre tombèrent à l'eau durant l'été 2021.

Afin de saisir comment j'en arrivais à ce stade, je dois vous expliquer qui je suis. Je me nomme Tom Dolbet, et j'avais vingt-et-un ans lors de l'événement que je viens de vous raconter. Je détenais la responsabilité et le commandement des Forces spéciales internationales, les FSI, depuis un an. Cette équipe réunissait dix-sept membres, dont moi. Tous des experts dans nos domaines respectifs. Nous détenions un objectif : traquer et détruire l'organisation terroriste la plus dangereuse du monde. Nous bénéficions de carte blanche dans cette opération. Comme de nombreuses personnes plaçaient en nous une grande confiance et un espoir, nous possédions chacun un permis international de tuer en toute liberté.

Le GIT, Groupe international terroriste, agissait dans l'ombre depuis de nombreuses années, sans revendiquer ses actes. Ce groupe restait le plus discret possible afin d'échapper à toutes menaces. Il ne souhaitait pas être découvert. Malgré tout, leur existence était connue depuis leurs premières actions, mais personne ne réussissait à découvrir leurs membres. Enfin officiellement, comme vous devez vous en douter. Une rumeur circulait et continue de se propager depuis des années au sujet de ce groupe. Elle donne froid dans le dos à toutes les personnes dotées de compassion et d'humanité. Elle dit que le GIT élève chacun de ses membres dès leur plus jeune âge en créant de parfaits petits pions. Elle ajoute que, dès l'âge de six ans, ils apprennent à subir et à réaliser des tortures. Je vous confirme que ces rumeurs sont fondées. Comment puis-je en être sûr ? Je figurais parmi les membres de cette organisation avant de m'échapper, non sans mal. Ce qui explique pourquoi je dirigeais les Forces spéciales internationales.

L'origine du GIT remonte à une vingtaine d'années, en 2003, lorsqu'un dénommé Sadiq Samar, âgé de dix-sept ans, reçut un héritage familial. J'ignore la valeur exacte de cette fortune, mais elle doit outrepasser le milliard d'euros. Sadiq, le directeur de l'organisation, me raconta que ce jour semblait ordinaire. Youssef, son cousin, profitait du week-end en sa compagnie et de celle de son oncle et sa tante. Youssef passait presque tous les week-ends chez eux, car ils représentaient sa seule famille. Les parents de Sadiq ne l'adoptèrent pas et il vivait dans un orphelinat, mais j'ignore pourquoi. Je me souviens des mots que Sadiq me confia.

Je ne meurs pas, je tue !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant