3. Nouvelle vie

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Sadiq nous emmena dans la salle de classe de nos deux prochaines années. Cette salle vaste contenait une grande quantité de bureaux. Elle pouvait accueillir une cinquantaine de personnes. Ces bureaux s'adaptaient à la taille des enfants. Deux rangées du bureau se trouvaient devant moi, séparées par un long couloir. Devant eux se dressait une petite estrade sur laquelle se trouvaient un bureau et un tableau à craie. Au bout de la salle, sur le bureau, je vis des plans en papier disposés. Laura était assise devant pendant que j'observais le décor.

— Tom ! s'exclama-t-elle d'une voix sèche.

— Elle me veut quoi encore ? pensais-je.

En relevant la tête, je remarquai que Sadiq m'observait avec insistance. Je me dépêchai de venir m'installer derrière un bureau au premier rang. Sadiq me demanda de fermer les yeux. J'exécutai son ordre sans me laisser prier. Je sentis un choc brutal écraser ma joue. J'ouvris les yeux et vis le poing de Sadiq tendu à côté de ma joue. Je compris que je venais de me faire frapper. Je ressentais une forte douleur, mais je n'osais pas m'en plaindre par peur d'une récidive de sa part. Il fit volte-face et retourna à son emplacement initial.

— Je ne suis pas comme Youssef ! Désormais, si l'une de vos actions me déplaît, vous en mangerez une ! Si vous vous en plaignez ou en pleurez, je recommencerais ! Si vous en mourez, tant pis, je vous remplacerais sans problème ! Me suis-je fait comprendre ? cria-t-il.

— Oui, Sadiq ! répondit-on en cœur.

Je réalisais que nous ne plaisantions plus. Nous entrions dans le concret. Nous avions sept ans, mais la doctrine que nous suivions la première année était élaborée. Je me demandais comment Sadiq possédait toutes ces connaissances. J'ignorais comment les garçons vivaient ce changement, mais heureusement qu'ils ne passeraient pas les deux ans avec Sadiq. Je me surpris à rire. Sadiq les aurait déjà frappés plusieurs fois depuis le début de la journée. Je soufflais mon soulagement de ne pas avoir exprimé ma douleur.

— Je vous rappelle le programme, pendant deux ans, je vous enseignerais les b.a.-ba. Nous continuerons à appuyer les formalités sur votre caractère et votre maturité. Vous apprendrez à lire, à écrire, à compter, tout ce qui est primordial lors d'une éducation.

Je ne vais pas m'attarder sur ces deux ans. Ils ne vous apprendront pas beaucoup. Les journées se ressemblaient toutes, comme la première année. À l'exception que nous pouvions sortir seuls, et plus souvent. Pendant deux ans, Laura et moi nous rapprochâmes, mais pas assez. Je n'avais pas encore le droit de voir ses dessins. Sa manie de me fixer quand elle dessinait me perturbait sans que je comprenne pourquoi. De toute manière, je n'avais pas besoin que l'on devienne proche. J'aspirais à en faire un pion, pas besoin que je m'attarde à des futilités comme la connaître. Avant de vous raconter le déroulement de mes neuf à douze ans, sachez que j'obtins une réponse à mes questions. J'appris comment Laura arriva dans l'organisation ! Un soir, lors d'une discussion, elle me demanda comment eut lieu mon dernier jour avant le GIT.

Après avoir clos mon histoire, je la vis trembler de peur. Je lui demandai par curiosité :

— Que t'arrive-t-il ? Comment c'était pour toi ?

— Comment fais-tu pour ressentir ni colère ni tristesse ? Tu sembles sans sentiments. On dirait que tu n'éprouves aucune sensation. Je ne sais pas si je supporterais cela à ta place. Moi, comme je vous l'avais dit, j'ai grandi avec une nourrice. Mes parents m'ont abandonnée à ma naissance. Je vivais dans un orphelinat avec d'autres enfants et un jour, Sadiq et Youssef sont venus. Ils ont vu que j'étais seul et ils m'ont proposé de venir avec eux. J'avais peur ici, car les lieux me faisaient froid dans le dos. J'arrive à me rassurer avec mes dessins et quand j'imagine ma vie de plus tard, répondit-elle en souriant.

Je ne meurs pas, je tue !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant