Chapitre 2

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         Elle ouvrit la bouche, releva les yeux pour croiser son regard. Elle était dans la mouise. C'était peut-être un bel homme, un Don Juan sans aucun doute, mais apparemment, c'était surtout un homme pieux. Et à cette époque, on croyait encore à la sorcellerie ; elle avait déjà failli en faire les frais. Il sembla suivre le cheminement de ses pensées et son visage se radoucit. Il lui tendit la lampe.

— Skye, je ne suis pas un intégriste. J'ai foi en Dieu, mais j'ai l'esprit ouvert. Je sais qu'il y a des choses que je ne peux pas expliquer, ou que je ne peux pas comprendre. La sorcellerie, ça n'existe que pour les idiots et les esprits obscurs. J'ai beaucoup de défauts, mais je ne suis ni l'un ni l'autre.

Elle prit la lampe sans le quitter des yeux.

— Votre habillement, votre langage, tout en vous me dit que vous n'êtes pas une femme comme les autres, continua-t-il doucement. Je sais qu'il y a une explication, et je suis prêt à l'entendre.

Elle grimaça.

— Alors là, j'ai des gros doutes ! marmonna-t-elle.

Il haussa un sourcil, se pencha légèrement sur elle.

— Et si vous me laissiez en décider ?

Elle détourna les yeux. Il semblait réellement sincère et elle aurait voulu le croire, mais cette croix...

— Asseyez-vous, fit-elle enfin.

Il soupira, mais lui obéit sans rien dire. Elle prit son temps pour bien examiner la blessure.

— Comment vous êtes vous fait ça ?

— Une branche.

Elle recula pour plonger un regard étonné dans le sien et constata que vu de plus près, ses iris n'étaient pas tout à fait noirs, mais d'un brun si foncé qu'on distinguait à peine la pupille au centre. Elle aurait dû s'en douter ; les yeux noirs n'existaient pas.

— Une branche ? bafouilla-t-elle, troublée.

Il plissa les yeux, comme s'il avait suivi les égarements de ses pensées.

— En plein galop, une branche peut faire très mal ! sourit-il.

Elle détourna les yeux, gênée. Ce n'était vraiment pas le moment de s'égarer. Elle toussa pour s'éclaircir la gorge.

— Ça explique tout. C'est plein d'échardes. Je vais devoir les extraire.

— Je vous fais confiance.

Elle sourit et s'écarta pour sortir une petite pince, une bouteille de désinfectant et des compresses de sa sacoche. Elle sentait son regard curieux suivre chacun de ses mouvements.

— Avant tout, il faut désinfecter les instruments et la zone à soigner.

— Avec de l'alcool ?

— Au pire, oui, mais j'ai ceci.

Elle lui montra la bouteille.

— C'est plus puissant et ça a l'avantage de ne pas piquer.

Elle commença à travailler en silence.

— Vous m'avez promis de me laisser tranquille, murmura-t-elle. Vous tiendrez votre promesse, quoi que je vous dise ?

— Madame, je suis un homme d'honneur, je ne reprends jamais ma parole.

Elle ne répondit pas, se concentra pour retirer avec délicatesse une écharde plus profondément enfoncée dans la plaie. Elle vit les muscles de sa mâchoire se crisper, mais il ne dit rien. Elle examina de nouveau la blessure avec la lampe, puis la désinfecta avant de sortir un pot de sa sacoche.

Quatre Siècles et une Croix -I- La Croix et l'Épée [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant