Chapitre 32

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Elle se laissa tomber sur son lit, les bras en croix.

Combien d'erreurs avait-elle commises en vingt-neuf ans ? Combien avaient influencé sa vie ?

Une seule. Une seule erreur l'avait mise dans une situation inextricable.

Elle se revit, dans la salle de repos de l'hôpital, prenant sur la table le fascicule au logo bleu et vert de l'Agence Planétaire Internationale. Créée quelques années plus tôt, cette agence s'échinait à sauver une Terre à la dérive. Grâce à la découverte du Professeur Quint, une de ces nombreuses missions était de ramener du passé des animaux disparus par la faute de l'homme. Et Dieu sait qu'il y en avait. Rien qu'en France, le constat était abominable.

L'A.P.I. cherchait des médecins pour accompagner ses équipes, recherches rendues compliquées par une règle très stricte ; uniquement des hommes et des femmes sans aucune famille. Et de famille, elle n'en avait plus depuis six mois.

Granny lui avait toujours reproché d'agir avant de réfléchir. Pourtant, cette fois-ci, elle avait réfléchi. Elle se souvenait de son père, défenseur acharné de la faune sauvage. Comme il serait fier d'elle si elle contribuait, à son niveau, à redonner à la Terre un minimum de sa splendeur d'autrefois. Ce n'était qu'une mission tous les deux mois, et ça lui permettrait de se changer les idées. Elle aimait son travail, mais quelques jours dans la France historique, c'était quand même plus drôle que quarante-huit heures de garde.

Elle avait donc appelé le numéro indiqué sur le fascicule et deux mois plus tard, elle effectuait sa première mission.

C'est à la deuxième qu'elle s'était maudite de ne pas avoir écouté les conseils de Granny.

Elle se redressa sur son lit, écouta les bruits de la garnison.

Elle soupira profondément. Combien de leçons la vie devrait-elle lui infliger pour qu'elle comprenne enfin ? Ça avait sans doute son charme d'être impulsive, mais ça avait surtout des désagréments.

Son avenir ici était compromis. Quoi qu'il dise, Athos n'était pas certain qu'Aramis ne la trahirait pas.

À moins qu'elle ne parle au mousquetaire. Elle devait le convaincre qu'elle n'avait rien fait de mal, lui expliquer sa démarche.

Athos avait raison, Aramis n'était pas idiot. Si elle avait une chance, une infime chance de le convaincre, elle sauverait sa peau.

Et elle savait très exactement sur quel bouton appuyer pour lui faire entendre raison.

Elle se leva et sortit de sa chambre. Il était à peine midi, et avec de la chance, après cette matinée mouvementée, elle le trouverait dans la sienne.

Elle frappa à la porte et entra sans attendre. Assis sur sa chaise, la cheville posée sur son genou, il lisait, un coude posé sur la table, le menton dans la main. Pendant un instant, elle crut qu'il ne l'avait pas entendu, mais il leva soudain les yeux, la regarda sans rien dire et referma son livre. Elle s'appuya contre le panneau, les mains dans le dos.

— Il faut qu'on parle, fit-elle.

— Il n'y a pas grand-chose à dire, marmonna-t-il.

— Plus que tu ne le crois. Je veux que tu comprennes.

Il soupira, caressant du bout du doigt la couverture du livre, traçant machinalement les contours de la croix dorée gravée sur le cuir. Il était plongé dans la Bible.

— Tu cherchais quoi là-dedans ? demanda-t-elle. Comment Jésus a ramené Lazare à la vie ?

— Ne mêle pas le Christ à ce que tu as fait, s'il te plaît, gronda-t-il en se levant.

Quatre Siècles et une Croix -I- La Croix et l'Épée [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant