Chapitre 13

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Plus le temps passait, et plus la liste de ce qui lui manquait s'allongeait. Après les égouts et les poubelles, l'eau courante et chaude, l'électricité, internet, ce soir, elle rajoutait "climatisation" !

Ce mois de juillet était d'une moiteur étouffante et ce n'était pas la petite fenêtre qui aérait sa chambre qui pouvait l'aider. Elle devait absolument sortir de ce four.

Elle se leva et enfila sa chemise en coton épais, qui lui arrivait à peine au-dessus du genou. À cette heure de la nuit, il y avait peu de chance qu'elle croise quelqu'un dans la cour, excepté les gardes, qui devaient somnoler sous le porche. Néanmoins, elle entrouvrit la porte de sa chambre avec précaution, passa la tête et tendit l'oreille. Rien, sauf des ronflements sonores. Parfait ! Elle retourna vers le lit, s'agenouilla et tira de dessous la paire de baskets qu'elle avait réussi à sauver de la destruction.

Les escarpins avaient survécu, difficilement, à sa première sortie dans Paris, mais elle avait découvert qu'aucun cordonnier n'avait trouvé le moyen de fabriquer des semelles différentes pour chaque pied. Il n'y avait pas de gauche, et pas de droite. Si ça ne l'avait pas trop gêné avec les bottes de cavalier trop grandes, les chaussures étaient une torture qu'elle refusait de s'infliger. Sous ses jupes trop longues, personne ne pouvait voir ses baskets.

Sauf, évidemment, Aramis. Il avait frôlé la crise cardiaque lorsqu'il s'en était aperçu.

Aramis... Il aurait dû rentrer deux jours plus tôt. Elle savait que les mousquetaires rentraient rarement le jour où on les attendait, mais ils trouvaient toujours le moyen de faire prévenir leur capitaine. Or, personne n'avait de nouvelle de lui. Il était bien arrivé à Troyes, c'est tout ce qu'elle avait pu glaner, mine de rien, dans les conversations de ses amis.

Elle soupira, chassa le mousquetaire de ses pensées, il y était un peu trop présent, et se chaussa.

Elle descendit les étages en se faisant la plus légère possible, il n'y avait pas une seule marche qui ne grinçait pas dans ce foutu bâtiment, et soupira d'aise en arrivant dans la cour. L'air, bien que pestilentiel, y était beaucoup plus frais. Elle regarda du côté du porche où les gardes étaient censés monter une garde vigilante. Elle devait traverser la cour pour aller jusqu'aux cuisines où Serge gardait des bouteilles de cidre au frais, et elle avait bien l'intention de faire main basse sur l'une d'entre elles.

Elle s'avança prudemment et aperçu les gardes qui discutaient sous un flambeau, le regard tourné vers la place qui s'ouvrait devant la garnison. Elle traversa la cour au pas de course et entra rapidement dans les cuisines. Les bouteilles se trouvaient dans la cave, bien au frais. Elle prit la bougie qui brulait toute la nuit, les mousquetaires pouvaient venir à n'importe quelle heure pour se restaurer, surtout quand ils revenaient de mission, et descendit les marches creusées dans la craie. Elle poussa la porte de la cave et une bouffée d'air frais la fit soupirer de bonheur. Voilà, c'est là qu'elle allait installer sa chambre, du moins pour les mois d'été. Elle trouva ce qu'elle cherchait au milieu des denrées diverses et variées, et remonta.

Elle s'apprêtait à ressortir, direction son infirmerie, de l'autre côté de la cour, quand un bruit de sabot et de botte résonna sur le pavé.

— Merde, grommela-t-elle en se renfonçant dans l'ombre de la cuisine.

Un cavalier se dirigeait vers les écuries d'un pas trainant et elle le reconnut aussitôt.

Un étrange soulagement l'envahi et elle ne put s'empêcher de sourire bêtement. Aramis, enfin.

Il semblait épuisé, mais c'est autre chose qui l'alerta. Il tenait son bras gauche contre lui, sa main calée dans une de ses ceintures. Il était blessé.

Quatre Siècles et une Croix -I- La Croix et l'Épée [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant