Eve princesse révolutionnaire S2

Épisode 26 : Une épée

Eve donna les instructions matinales habituelles à Sedella. Celle-ci était à la fois sa camériste, sa secrétaire personnelle et sa plus proche conseillère, et, avec sa formidable capacité de travail, c'était souvent elle qui s'occupait de ses rendez-vous avec Lady Anaïs, Raman ou Alvin.

Il faudra que je lui donne des vacances, une fois que les choses se seront calmées.

Et ces vacances auraient lieu dans l'hôtel particulier, qu'elle avait acheté et mis, à présent, au nom de sa fidèle suivante.

Après l'avoir renvoyée à ses diverses occupations, elle fit entrer Lianne. La jeune femme venait d'une famille riche et connaissait parfaitement les dernières tendances et rumeurs qui couraient dans la capitale, ainsi que l'opinion générale qui animait la population, en particulier en ce qui concernait les cercles artistiques. Un sujet sur lequel elle apportait toujours de judicieux renseignements.

« Les pièces et comédies musicales qui tournent autour de vous et de Sir Agnito sont très populaires en ce moment.

— Beurk... »

C'était sûrement le fait de la Troupe Pégase...

« Cet intérêt vous a fait mieux connaître, au sein de la capitale, et vous a rendu, vous aussi, plutôt populaire.

— Alors ce n'est finalement pas une si mauvaise chose, même si ça reste embarrassant. »

Eve était malgré tout fort déconcertée par l'étrange intérêt que portait l'ensemble de la population, à une histoire d'amour entre une princesse et son chevalier attitré. Comment une telle intrigue pouvait-elle susciter un quelconque engouement ?

« J'ai d'ailleurs assisté à une de ces comédies musicales, déclara Lianne.

— C'est... C'est vrai ?

— Le script lui-même ne cassait pas trois pattes à un canard, mais l'actrice principale chantait et jouait extrêmement bien. Je comprends pourquoi les gens la portaient ainsi aux nues. »

Eve se doutait déjà de son identité, mais elle s'enquit malgré tout :

« Et c'est qui ?

— Rimona Lund, une star montante d'origine nomade. Elle est très jolie et possède des capacités vocales hors du commun, c'est ce qui lui vaut cette popularité grandissante. La Marquise Sayer, une figure clef de la haute société, l'a d'ailleurs invitée à l'une de ses soirées, ce qui l'a aidée à se faire aussi un nom, dans ces cercles huppés.

— J'imagine qu'on la verra bientôt dans un opéra, remarqua Eve, ravie de son succès.

— En fait, reprit Lianne, j'ai entendu dire que de nombreux aristocrates s'étaient proposés pour la prendre sous leur protection, mais elle a déjà un mécène. Ce qui est étrange, c'est que bien que cette personne soit clairement quelqu'un d'important, personne ne sait qui c'est, pas même Mademoiselle Lund elle-même. »

Puis elle ajouta d'un ton rêveur :

« Ce mystérieux sponsor a dû repérer très tôt son talent. N'est-ce pas incroyable ? Les gens parlent presque autant de lui que de Mademoiselle Lund...

— Vraiment ? s'étonna Eve.

— Vraiment ! Les gens se disent que c'est sans doute un riche roturier, amoureux d'elle, ou peut-être un noble, qui aurait découvert qu'il s'agissait de sa fille disparue depuis longtemps. Du coup, son origine nomade ne l'a pas desservie.

— Quelle chance pour Rimona, sourit Eve.

— Elle devrait bientôt être la chanteuse vedette des cercles musicaux. N'aimeriez-vous pas l'entendre chanter vous-même, Votre Altesse ? Il se trouve que j'ai justement une invitation pour l'une des soirées de la Marquise Sayer.