Eve et Mikael avaient laissé loin derrière eux la lisière forestière et les jérémiades indignées du sixième prince qui n'arrivait pas à accepter le terrible assaut final qui venait d'éclabousser, une fois de plus, le peu de dignité qui lui restait encore.
Une haie de hêtres bordait leur chemin, alors qu'ils se rapprochaient du palais secondaire et le seul bruit encore perceptible dans le silence environnant était celui de leurs pas. Un sentiment de paix envahit la septième princesse. Pourtant quelque chose la tracassait et elle s'immobilisa soudain. Mikael qui la suivait quelques pas derrière elle, en fit tout autant.
« Mikael, fit Eve sans se retourner.
— Oui, Votre Altesse ? »
Il avait repris sans y penser le vouvoiement, alors qu'ils se trouvaient seuls tous les deux. Sans doute encore très affecté par l'impressionnante démonstration de puissance de sa princesse, il ne réalisa son erreur qu'après coup et s'interrogea avec inquiétude : ne venait-il pas de briser une des règles non écrites qui les liait ?
Eve lui fit lentement face, une ombre austère dans son regard d'ambre.
« Pourquoi n'avais-tu pas ton épée à la main, lorsque je suis arrivée ? »
La question prit Mikael de court. Même si la princesse s'était exprimée d'une voix douce, il s'agissait à n'en pas douter d'un reproche. Pour une raison qui lui échappait, elle semblait contrariée, malgré la prouesse qu'elle venait de réaliser en stigmatisant avec un brio remarquable, la conduite de son frère et de sa sœur.
Est-ce à cause de moi ?
Mikael, qui ne s'attendait pas à ce genre de réaction, était en pleine confusion, et cherchait encore une réponse, lorsqu'elle développa sa pensée :
« Je sais à quel point tu es fort. Tu aurais pu dégainer ton épée et te défendre sans problème ! Mais lorsque je suis arrivée, tu étais comme un agneau sans défense. Pourquoi ?
— Eh bien... Vu la situation, il me semblait que c'était la meilleure solution.
— La meilleure ? Je voudrais bien entendre de ta propre bouche en quoi ça pouvait être la meilleure solution. »
Un questionnement étrange de sa part, car Eve lui donnait l'impression de déjà savoir ce qu'il allait dire. Mikael avait toujours eu une conscience assez précise des émotions qui habitaient la septième princesse et quoiqu'incapable de comprendre ce qu'elle pouvait bien lui reprocher, il savait que sa réponse ne lui plairait pas. Le problème était que malgré cette constatation, il ne voyait absolument pas comment lui présenter les choses autrement.
Et puis, la requête venait tout de même d'Eve, son imprégnatrice... Sans compter que son honneur de chevalier était en jeu. Avant même de le réaliser, il avoua honnêtement :
« Comme tu le sais, si l'on m'avait accusé de crime de lèse-majesté, c'est sur toi que serait retombé le blâme.
— Oui.
— Et je suis au courant de tes ambitions et aussi que le palais regorge de gens qui s'y opposent.
— C'est aussi exact », acquiesça Eve.
Mis en confiance par ses hochements de tête encourageants, il poursuivit :
« Je ne voulais pas offrir à tes ennemis une chance de ruiner tes plans, c'est pourquoi j'ai décidé que le mieux c'était de ne pas lutter. C'était aussi la meilleure option, en tant que chevalier. »
Il essayait, de manière détournée, de la persuader que son choix était raisonnable et même plutôt digne d'éloge, si l'on prenait le temps d'y réfléchir. Mais Eve n'opina point de la tête, comme il l'espérait. Elle poussa au contraire un profond soupir.
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Eve princesse révolutionnaire S2
FantasiSaison 2. Empoisonnée par sa demi-soeur, Eve se réveille une dizaine d'années plus tôt, bien décidée à ne pas laisser se reproduire tous les drames qui ont jalonné sa vie précédente. Forte de son expérience passée, elle abandonne la solitude de ses...