Chapitre vingt-deux, présence.

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- Quatre-vingt cadavres de sexe féminin tous en bon état pour pas moins de soixante-dix milles euros.

- Je propose quatre-vingt dix milles euros, rétorque Jack toujours son verre à la main

- T'en as pas déjà assez, lance l'homme à côté de moi sur un ton ironique.

- Et toi t'en as pas assez de vivre encore chez tes parents à trente ans Isaac ?

- Jamais, lui répond t-il souriant malgré que l'on puisse remarquer qu'il l'avait mal pris.

J'aurais pas aimé et je pense que les autres non plus puisqu'ils s'arrêtèrent de parler et ne le regardèrent pas comme par compassion ou par peur que leur tour vienne.

Je passai ma main sur ma cuisse pour ensuite la poser délicatement sur celle de ce Isaac. Je ne le regardais pas, mais lui restait le regard planté sur moi.

D'un autre côté, je me rapprochais de Jack comme si je ne voulais pas qu'il remarque nos mains entrelacées, même si avant cela, j'avais brièvement tourné les yeux vers lui pour l'avertir.

- Quatre-vingt milles cent..

Puis il s'arrêta.

- Non rien je lui laisse, affirme Isaac toujours ma main dans la sienne.

Cela a fonctionné.

Mon regard insistant sur lui, ce regard que j'ai tenté séducteur et de ne pas me contredire, cela a marché.

- Ne l'écoutez pas vous avez raison il faut prendre soin de vos parents, lui chuchotais-je.

Jack se retint de dire quelque chose que je devinais pertinemment.

- Il a juste pas assez de tune pour se payer un logement.

Un truc du genre je suppose.

- Cent-milles, renchérit, Dario sa cigarette à la main qui embaume la pièce d'une fine fumée.

- Cela vous a vraiment blessé à ce que je peux constater, lâchais-je.

- Vos petites interventions m'avais manqué.

- Attention vous pourriez vous faire avoir par vôtre propre jeu, lui souriais-je mesquinement avant de boire une gorgée de ce rhum dans mon verre. Je restais impassible face à ce goût atroce. Comment faisaient-ils pour boire ça d'une traite ?

Je remarquais que Jack était étrange. Son regard fixait son verre, il devait déjà ne plus le voir et être ailleurs.

De la sueur apparut dans sa nuque et je compris que quelque chose n'allait pas.

Je posais ma main discrètement sur son avant bras mais il me repoussa puis se leva.

- Je vais au toilette je reviens, dit-il.

Sa présence était là il y a maintenant dix minutes et je commençais à m'inquiéter.

- Je vais voir ce qu'il fait, dis-je poliment fuyant tous leurs regards.

Cela faisait dix minutes que je renchérissais pour lui et que je renvoyais les piques de Dario simulant que tout allait bien seulement je n'ai pas pu céder à la peur qui me dit qu'il est parti, pour de bon.

- Ouvrez moi s'il vous plaît.

Aucune réponse.

J'attendis quelques secondes devant la porte mais toujours rien. Alors je tentai d'ouvrir et réussis car la porte n'était pas fermée à clé.

Je restais plantée ici ne dépassant pas la ligne de la porte. Jack était assis regardant étrangement devant lui.

- Jack que faites vous ? Vous vous sentez mal ?

- Pourquoi ne me lâche-t'elle pas ?

Je restais silencieuse.

- Je ne te connais pas ! Laisses moi !

- De qui parlez vous, demandais-je enfin.

- Et bien de cette femme, me répond-t'il en montrant devant lui d'un geste de la tête.

Je m'avançais d'un pas mais il n'y avait personne. Juste lui, et moi.

- Mais il n'y a personne Jack.

- Arrêtez un peu, je suis pas d'humeur.

Un doute s'empara de moi, je ne rêvais pas, il n'y avait personne.

- Je suis sérieuse.

- Tu mens !

Je me plaçai devant lui à l'endroit qu'il fixait et son regard s'assombrit.

Il regardait maintenant à sa droite et commença à parler, mais, pas à moi.

- Je ne suis pas fou arrêtes ! Dis moi, expliques moi, qui es tu ?!

-Non.. Tu n'en sais rien ! Tu ne l'as connais même pas ! Continue t'il de crier en direction de sa droite.

- Je ne suis pas comme lui..

Il fut soudain abattu et je ne comprenais rien à la situation.

Je m'approchai lentement de lui jusqu'à me baisser pour être à sa hauteur.

- Jack il n'y a personne. Il n'y a pas une voix de plus que la nôtre, pas une présence de plus que la mienne et la tienne, dis-je calmement même si bizarrement j'étais un peu effrayée.

Il tourna lentement la tête vers moi et je fus prise de sueurs froides.

- Il n'y a, personne, redit-il les yeux grands ouverts, sidéré, comme si ce que je venais de dire était pas normal, irréel.

- Ne vous inquiétez pas, ça va aller.

Ses sourcils se froncèrent. Je posai mes mains sur ses épaules et redis :

- Ce n'est rien, ça va aller.

Seulement peut-être n'aurais-je pas dû.

Il passa sa main rapidement sous ma robe pour attraper le poignard et bête comme je suis je ne bougeai pas, je restai là près de lui.

La douleur n'est plus un problème.

Le poignard enfoncé dans mon ventre je l'enlaçai avec mes dernières forces.

- Je suis.. là...

Ce sont les derniers mots que je pus dire.

Je sentis le poignard sortir de ma chair pour s'y enfoncer une deuxième fois au même endroit. Puis une troisième fois, et une quatrième fois.

Je crus un instant qu'il allait réussir à me transpercer entièrement mais il s'arrêta. Il me poussa et mon corps qui était contre le sien se retrouva au sol sur le dos.

Ma vue n'était plus nette et tout semblait tourner autour de moi. Je sentais le sang imprégner ma robe me laissant l'impression de baigner dans une mer teinté de rouge.

J'essayais tant bien que mal de rouvrir les yeux, mais je me sentis encore plus mal et ce fut comme si la pièce s'effondrait sur moi et que je n'étais plus qu'un corps caché sous les morceaux de plafond qui me recouvrent lourdement.

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant