case 5 : crime pas si fusionel

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— Sûrement, le métier de détective n'avait jamais eu l'image du travail de plus de trois personnes. Pourtant, nous étions contraints d'être cinq. Cinq cerveaux, cinq personnes, derrière cinq histoires et sans que je puisse m'y opposer.

Durant huit mois.

Nous nous étions pourtant donné rendez-vous ici à quinze heures exactement.

À quinze heures cinq, il n'y avait pas l'ombre d'un seul des autres étudiants. La seule personne qui avait l'air de respecter un minimum les horaires était Roxanne. Avec deux minutes de retard qu'elle avait blâmé sur un retard de bus, elle était la première à être arrivée. Un Latte à la main, elle admirait la verdure autour de nous, rare dans la capitale. Roxanne n'a pas le temps de finir deux gorgées de sa boisson qu'au fond d'une allée d'arbre, je peux apercevoir les mèches blondes de Claire reflétées par le soleil. Elle portait à son épaule un lourd sac, d'où pendait une casquette, et la chemise de son copain. Difficile d'imaginer que l'on avait le même mémoire devant nous. J'avais préféré me trainer seulement un ordinateur sans oublier mon carnet. Je le présentais à chaque occasion comme mon carnet d'enfance, là où j'ai résolu mes premiers crimes en dépit du fait que j'en rachetais un nouveau toutes les deux semaines. Les exercices de mathématiques prenaient trop de place sur les pages.

Claire nous aperçoit finalement et se joind à notre banc.

— Excusez-moi du retard les filles, disons que j'ai.

– Ce n'est pas grave, tu n'es pas la pire. L'ai coupé-je, lui faisant une place à côté de nous.

– Jawarad m'a envoyé un message, lui et Harvey sont en chemin.

J'hochai la tête et repris les commandes de mon silence. Claire jouait avec une des mèches détachées, jettant à chaque passage d'oiseau dans le ciel un commentaire sur la météo, sa dernière sortie au zoo, où elle avait réussi à diserner des cygnes. Elle dévia sur son examen du code qu'elle ne parvenait pas à décrocher. Des banalités, mais Roxanne s'y joigna volontiers et me voilà assise à leur faire office de guide des rues d'Alger, passant de la grande poste jusqu'aux jardins d'essais et jusqu'au parc de Tassili que j'avais visité pour mes huit ans. Je bégaillais, butais sur les mots ; je me voyais esquiver les obstacles sur la route devant moi. J'étais capable de ressentir les seconds où je flottais, essayant de recoller les souvenirs de mes voyages. Plus troublant encore, que les questions, la manière dont elles me fixaient avec tant d'attention, comme si je leur faisais découvrir une autre galaxie, je ne saurais le dire, mais je pense que se sentir écouter avait joué sur le fait que je deversais un tsunami d'information, jusqu'à ne pas remarquer toutes les minutes qui s'écoulaient.

– Un jour, tu devrais faire guide, tu as beaucoup de potentiel, me coupa la voix de Page.

— Sûrement, moi, au moins, j'arrive à être ponctuelle.

je laissait Page, sur un goût amer, il voulais répondre je le savais, mais je lui donnai mon dos, faisant suivant Roxanne, déjà quelques metres devant nous. Elle avait tout mon respect, elle au moins ne laissait pas la chance de s'exprimer à quelqu'un qui n'a rien à dire d'intelligeant ou de pertinant.

— Tu ne penses pas que tu y vas fort envers lui, me chuchota Claire.

– Peut-être, j'essayerais de ne pas lui répondre la prochaine fois, ça ira plus vite.

– Si je devais te donner un conseil, ça serait d'être plus agréable avec lui. Je ne l'apprécie pas trop non plus, mais je suis persuadée qu'il va te surprendre, il n'est pas si bête que ça.

Roxanne s'arrêta et se retourna vers moi, elle replaça son téléphone dans son sac.

– Layla, je crois que la bibliothèque de n'ouvre pas aujourd'hui. Je suis désolée, une copine vient de me dire qu'elle est en travaux.

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