Chapitre XI : L'étonnement du retour

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                                                          Ce que j'aime dans les voyages, c'est l'étonnement du retour.

Stendhal




Ecole de l'Elite, deux jours plus tard.

Mathieu Hidalf en était sûr : de tous les élèves de l'école, aucun n'avait jamais attendu avec autant d'impatience que lui le jour où il deviendrait Pré-Elitien.

Aucun élève, aucun Elitien n'avait jamais éprouvé le lien qui l'unissait à l'Elite, ce désir d'en faire partie corps et âme. Au cours de sa scolarité, il avait perdu son arbre deux fois, manqué d'échouer à une épreuve une fois et l'autre, et était passé à deux doigts de l'exclusion définitive plus de fois qu'il ne pouvait le compter. Ses dernières épreuves avaient été accomplies dans un mélange de confiance en soi et de terreur grandissante, celle d'être parvenu si loin pour échouer si près du but.

Il n'avait pas échoué. Il n'avait pas été amené à perdre une troisième fois son arbre. Et, même en cumulant sans doute plus de visites dans le bureau de la comtesse Dacourt que tous les élèves de l'école réunis, il ne s'était même pas fait renvoyer. 

Et ce jour était enfin arrivé.

Exceptionnellement, la cérémonie avait eu lieu en amont de la fin des autres épreuves. Roméo, Juliette d'Argent et lui étaient les seuls Apprentis à devenir Pré-Elitiens ce mois-ci, et la fin des épreuves était un temps suffisamment chargé pour délayer ce qui pouvait l'être.

A quelques jours de la fin des épreuves, Mathieu aurait cru que la salle serait presque vide. Il avait tort.

En plus de leurs parents et de leurs amis proches, les balcons de la Tour des Épreuves étaient remplis de quelques dizaines de Prétendants et d'Apprentis, de la direction, des Trente Elitiens au grand complet (Mathieu les avait discrètement comptés en entrant dans la pièce), et, semblait-il, de presque tous les Pré-Elitiens. Il repéra son père et celui de Roméo, au premier balcon. Séparés par leurs épouses, bras dessus bras dessous, ils faisaient mine de s'ignorer complètement, tout en échangeant de temps à autres un sourire plein de fierté. Juliette d'Or, rayonnante à la table de la direction, leur adressait à tous les trois de grands signes, jusqu'à ce qu'Armance Dacourt, qui cachait très mal son sourire, ne lui donne un discret coup de coude. Devant lui se tenait Julius Maxima, qui présidait la cérémonie.

Sa présence laissait à Mathieu une impression étrange. Toutes les fois où, enfant, il avait rêvé de ce moment (et elles avaient été nombreuses), Louis Serra avait toujours été celui qui l'accueillait parmi les Elitiens. Il avait aperçu l'ancien capitaine au balcon du troisième étage, avec quelques autres Cœurs Noirs, et s'était trouvé très touché de sa présence.

Mais ce fut en croisant le regard de Julius Maxima que Mathieu s'aperçut qu'il avait grandi. 

Ce regard, pour une fois, n'avait rien de la sévérité qu'il lui avait toujours réservé en tant qu'élève. Sa mère, une amie de longue date de Julius Maxima, lui avait confié il y a quelque jours que le capitaine était enchanté que ses amis et lui deviennent Pré-Elitien. Mathieu en avait été stupéfait. En cet instant, pourtant, il la croyait sans peine. Ce regard, pour une fois, n'avait rien de la sévérité qu'il lui avait toujours réservé en tant qu'élève. Dans ce regard, et dans le sourire qu'il leur adressait, brillait la satisfaction de voir trois Apprentis rejoindre les rangs des Pré-Elitiens, et la fierté que Mathieu en fasse partie. Il en resta bouche bée.

De l'Ordre et de l'AventureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant