Chapitre XII : Bain glacé et sages conseils

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Ou : Six conversations auxquelles Mathieu Hidalf se rendit à l'insu de son plein gré...



On n'est jamais obligé de dire les choses importantes à ses amis, mais le jour où on le fait, la vie devient plus douce. 

Timothée de Fombelle, Tobie Lolness




Sa deuxième semaine de Pré-Elitien fut l'une des plus étranges de la vie de Mathieu. Comme beaucoup des semaines les plus étranges de sa vie, elle débuta par une convocation dans le bureau de la comtesse Dacourt.

Une tasse de thé fumante l'attendait déjà sur le bureau lorsque Mathieu en poussa la porte. La comtesse lui sourit, et lui fit signe de s'assoir.

Bon. Il ne s'agissait donc pas d'une réprimande.

Après quelques minutes de silence, Armance Dacourt reposa sa tasse.

— Vous rappelez-vous, Mathieu, demanda-t-elle sur le ton de la conversation, les quelques fois où vous vous êtes retrouvé dans ce même bureau, parce qu'Octave Jurençon avait inconsciemment essayé les bottes de sept lieux, et que je vous en tenais à juste titre comme indirectement responsable ?

A la mention de Jurençon, Mathieu avait hésité à quitter la salle. Il acquiesça en silence.

— Je m'en doutais, poursuivit-elle avec fermeté. Eh bien, une fois n'est pas coutume, je vais vous dire l'inverse. Sa dernière visite chez le docteur Soupont n'est pas de votre faute. C'était un accident, comme il arrive tant d'autres en combat d'arbre.

— Merci, Madame, fit Mathieu, qui ne s'était pas du tout attendu à cette entrée en matière. Mais pourquoi me dites-vous cela ?

La comtesse le dévisagea d'un regard sévère.

— Parce que cela fait une semaine que je vous vois errer tous deux dans les couloirs comme des âmes en peine, Mathieu Hidalf, répliqua-t-elle. Le capitaine Maxima est d'accord avec moi sur ce point : il ne doit pas y avoir de tension dans les rangs des Pré-Elitiens. Quel que soit le... différent qui vous sépare, vous êtes tous deux priés de le résoudre au plus vite.

Il hésita à répondre que Jurençon et lui se fuyaient mutuellement. Et il n'osa pas lui avouer la pensée qui se faisait chez lui plus présente de jour en jour : que son ami avait plus de choses à lui pardonner qu'un malheureux combat d'arbres.

Il cherchait à toute vitesse une quelconque histoire de cœur entre Apprentis à jeter en pâture à la comtesse pour détourner le sujet de la conversation, quand il vit ses yeux s'adoucir.

— Vous savez, Mathieu, dit-elle avec délicatesse, que la porte de mon bureau vous est toujours ouverte si vous avez besoin de vous ouvrir sur un sujet ou un autre, n'est-ce pas ?

Il acquiesça sans bien comprendre.

— Si par exemple, il se passait quelque chose – un changement – dans votre vie et que vous souhaiteriez...

Jamais Mathieu n'avait fini une tasse de thé à une vitesse aussi stupéfiante. Il remercia Armance Dacourt, qui lui jeta un regard résigné, et se précipita hors du bureau à la vitesse de l'éclair.


*


Parler à Octave Jurençon était précisément ce que Mathieu avait l'intention de faire. Plutôt que de lui donner ce conseil, la directrice aurait mieux fait de lui indiquer où il pourrait le trouver, puisque Mathieu n'avait pas vu l'ombre du demi-Hélios depuis leur combat d'arbre. 

De l'Ordre et de l'AventureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant