Chapitre IX : A cœur ouvert

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On n'entend que les questions auxquelles on est en mesure de donner réponse,

ou

Pour un type avec un QI à quatre chiffres, je crois que j'ai raté un truc.




Le chemin menant de la falaise à la grande route s'était fait en silence.

Mathieu marchait en tête, à côté de Louis Serra. Derrière venait Roméo et Jurençon dont la joue avait enfin arrêté de saigner. Quelques dizaines de mètres derrière eux, Pierre et Juliette fermaient la marche. Sa sœur affichait toujours l'expression vaguement qu'elle avait eu plus tôt, comme si une part d'elle-même était demeurée sur la falaise. Elle y avait laissé son arc.

Mathieu n'avait peut-être pas tiré la flèche qui avait coûté la vie d'un Helios en sauvant la sienne (et celle de Jurençon, et peut-être même celle de Louis Serra). Mais il croyait comprendre l'épuisement physique et mental qu'elle pouvait ressentir. Sa seule envie était de trouver une lit pour ne pas en sortir avant le lendemain, lorsque les évènements de la journée seraient déjà passés à l'état de souvenir. Il ne se rappelait pas la dernière fois qu'il avait été aussi fatigué.

La route, heureusement, n'était pas longue. A mi-chemin, deux silhouettes noires marchaient d'un pas vif dans leur direction, avant de ralentir l'allure à leur approche. Une nymphette voletait à côté d'eux.

Reconnaitre le vol de Javotte dans l'obscurité devenait une spécialité de Mathieu. Le silhouettes qui accompagnaient la fée devaient appartenir aux Cœurs Noirs que Louis Serra avait mentionné plus tôt et dont il était incapable de se rappeler le prénom. Ils avaient dû partir en hâte en entendant leur appel à l'aide ; de trop loin, cependant, pour rejoindre la falaise quand le combat faisait encore rage.

Parvenu à leur hauteur, Louis Serra leur serra la main, un sourire fatigué mais sincère sur le visage.

– C'est ce qui s'appelle arriver après la bataille, fit-il remarquer.

Le premier Cœur Noir, un homme aux cheveux fins et au visage ouvert, prit l'air désolé. Sa camarade se contenta de hausser les épaules.

– Ils ont tous l'air en un seul morceau, ce me semble, répondit-elle avec un sourire à leur intention. Et ce n'est pas faute de t'avoir proposé de t'accompagner quand tu es parti en trombe, sous prétexte que ces jeunes gens (elle les désigna d'un signe de tête) n'étaient pas au rendez-vous à l'heure convenue.

– Ils avaient deux heures de retard.

– Ce sont des Apprentis. Depuis quand est-ce qu'ils écoutent les ordres qu'on leur donne ?

A sa grande surprise, elle se tourna vers Mathieu.

– Mathieu Hidalf. Et tu dois être sa sœur, je présume ? dit-elle à Juliette qui venait de les rejoindre. Contente de vous revoir, tous les deux. Comment va Juliette d'Airain ?

– Bien, je crois, répondit Mathieu, pris au dépourvu. Toujours Apprentie. ­

– Pas de nouveaux Exploits, mais ça ne saurait tarder, ajouta Juliette, également surprise.

– Toujours aussi brillante, donc ? Saluez-la de ma part quand vous rentrerez à l'école. Ça fait bien longtemps que je ne l'ai pas vue...

Et tout à coup, Mathieu se rappela pourquoi la jeune femme, qui devait n'avoir qu'une poignée d'années de plus que lui, lui était familière. Elle avait été, avec Juliette d'Airain, l'une des toutes premières Prétendantes de l'Elite, la plus âgée de leur promotion.

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