De l'Ordre et de l'Aventure

Chapitre IV : L'Apprentie la plus brillante de l'école

La sorcière ne leur avait pas appris grand-chose de plus. Elle leur avait simplement demandé de rentrer au plus vite à l'Élite, et d'alerter le capitaine quant à la disparition de Jurençon. Sans autre signe de sa part, l'école prendrait probablement des mesures pour le retrouver. Pierre avait acquiescé, le regard sombre.

Ses trois amis se préparaient à quitter la chaumière. Mathieu, quant à lui, s'était discrètement dirigé vers l'escalier qui menait à l'étage. Le pied sur la première marche, il se souvint que c'était tout de même la demeure d'une redoutable sorcière, et jeta un coup d'œil par-dessus son épaule. La grand-mère édentée, qui finissait d'échanger avec Pierre des détails sur le chemin du retour, ne semblait pas l'avoir remarqué.

A l'étage, un couloir desservait quatre portes. Mathieu poussa l'une d'entre elles au hasard. Il sut immédiatement qu'il était entré au bon endroit. C'était la chambre d'Octave.

A l'école de l'Élite, le mobilier personnel des élèves se résumait, en tout et pour tout, au lit à baldaquins qu'ils recevaient en devenant Prétendant. Curieusement, la remise que Mathieu et ses amis utilisaient comme dortoir semblait plus chaleureuse, plus familière, plus ... Octave Jurençon que celle où il avait pourtant dû dormir toute son enfance.

Les volets de la chambre étaient tirés ; le lit, impeccablement fait, semblait indiquer que personne ne s'était couché là depuis un certain temps. On avait retiré la plupart des affaires du bureau, à l'exception d'une vieille plume, d'une bouteille d'encre à moitié séchée, et d'un petit carnet d'où dépassaient ce qui ressemblait à des coupures de journaux. Mathieu, qui n'était pas tant entré pour visiter la chambre d'enfant de Jurençon que dans l'espoir d'y trouver des indications sur ce qui avait pu lui arriver, ouvrit le cahier sans le moindre état d'âme.

Contrairement à ce qu'il avait espéré, les journaux qui s'en échappèrent n'avaient pas été publiés récemment, mais remontaient à une dizaine d'années. 

Le titre du premier article ne lui était pas inconnu : l'Astre du Jour, le plus grand quotidien du royaume, y racontait la grève des nymphettes, que Mathieu avait mise en oeuvre pour son huitième anniversaire. Sur la deuxième, il trouva l'interview qu'il avait accordée à Olivier Tilleul, alors que le royaume venait tout juste d'apprendre le nom de Mathieu Hidalf. Jurençon avait manifestement gardé précieusement le récit des bêtises de Mathieu. Il mit les coupures de côté, et porte son attention sur le carnet en lui-même.

Il reconnut immédiatement l'écriture soignée d'Octave : il devait s'agir là d'une forme de journal ou de carnet de bord. De petits dessins figuraient çà et là, entre les paragraphes ; principalement de ce qui semblait être le château royal, les Élitiens en place quand ils étaient enfants, l'Arbre doré. Jurençon avait dû dessiner tout cela à partir des vignettes de son album. Le portrait d'un garçon aux cheveux noirs semblait apparaitre plus régulièrement que le reste. L'inscription Mathieu Hidalf avait été gribouillée en dessous du dessin.

Mahieu avait beau savoir que son ami avait entendu parler de lui avant leur première rencontre, c'était autre chose d'en avoir la preuve concrète. Ignorant la chaleur qui lui envahissait les joues, il se dépêcha de regarder la dernière page du carnet. Sa déception fut immédiate : la dernière entrée datait d'il y a plus de huit ans auparavant, soit du moment où Octave avait quitté la chaumière de sa grand-mère pour faire son entrée à la cour. 

Il s'apprêtait à ouvrir le tiroir du bureau quand il sentit dans son dos, comme tout à l'heure, le poids du regard de la vieille sorcière. Celle-ci le fixait sur le pas de la porte.

– Inutile de fouiller sa chambre, Mathieu Hidalf, déclara-t-elle, impassible. Il n'y a rien laissé qui puisse nous aider à le retrouver, j'ai déjà vérifié. Dehors.