Epilogue

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Veux-tu que je te dise, prince ? Un collège de faiseurs d'esprit ne m'ôterait pas ma bonne humeur. Crois-tu que je me soucie d'une satire ou d'une épigramme ? Non ! Puisque je suis résolu à me marier, je veux regarder comme non avenu tout ce qu'on peut dire à l'encontre du mariage. Ainsi, ne vous moquez pas de ce que j'ai pu moi-même dire à son encontre ; car l'homme est un être inconstant, et voilà ma conclusion...

William Shakespeare, Beaucoup de bruit pour rien






Ecole de l'Elite, trois mois plus tard.

Depuis que sa relation avec Octave avait pris un tour nouveau, Mathieu s'était plus d'une fois fait la réflexion que ni cet événement inattendu, ni même, contrairement à ce qu'il s'était toujours imaginé, son statut tout neuf de Pré-Elitien n'avaient véritablement changé quelque chose à son existence ordinaire. A vrai dire, une fois passé le premier temps d'adaptation, il avait même été surpris de constater à quel point sa vie était normale.

Marie-Marie et lui se défiaient toujours en combat d'arbre une fois par semaine, et chacun perdait à tour de rôle avec plus ou moins de grâce. Avec Pierre, Roméo et Jurençon, souvent rejoints par ses sœurs, Marie-Marie, Lucille et quelques autres, ils passaient toujours la plupart de leurs soirées de libres (que Mathieu, du fait de ses nouvelles obligations, avait certes vues se réduire drastiquement) attablés au cabaret des Apprentis, ou à errer au hasard dans la forêt de l'école. Tout Pré-Elitien qu'il était, et malgré l'affection qu'elle devait au fond lui porter, la comtesse Dacourt l'accueillait toujours dans son bureau par un regard légèrement soupçonneux.

Et Octave Jurençon, pour une raison obscure, semblait toujours déterminé à défendre les spectacles montés par la classe de danse de Juliette d'Or.

— Ne crois pas que je ne sache pas exactement ce qui tu es en train de faire, le prévint Mathieu, que Jurençon tentait de tirer hors de la salle où il s'était réfugié. Pour la dernière fois, je ne mettrai pas les pieds là-bas.

— C'est la directrice adjointe. Et surtout, c'est ta sœur. Tu peux difficilement ne pas assister au spectacle qu'elle a préparé pendant des mois !

— Et passer deux heures à observer des gamins de onze ans se balancer d'un pied sur l'autre pour imiter les roseaux d'un lac ? Regarde-moi bien.

— Ah, mais c'est là que tu te trompes, l'informa Jurençon avec un grand sourire. Cette fois-ci, l'action ne se déroule plus du tout au bord d'un lac. C'est une adaptation d'un conte de ma grand-mère, l'Hélios et la belle endormie. Maintenant, les Prétendants font les tours du château où dort la princesse.

Mathieu éclata de rire, et vit en retour son compagnon sourire de plus belle. Et comme à chaque fois qu'il posait les yeux sur Octave, il ressentit à nouveau cette curieuse brûlure à la poitrine, cette drôle de joie mêlée de peur ; celle qui lui donnait l'impression, tout à la fois, d'avoir le souffle coupé et de respirer sa première vraie bouffée d'air.

— La moitié de l'école sera présente, enchaîna Octave, qui n'avait pas dû remarquer son trouble. C'est donc que le spectacle doit avoir quelque chose à offrir...

La moitié de l'école avait surtout trop peur de Juliette d'Or Hidalf pour risquer de ne pas se montrer à un spectacle monté par ses soins. Mais Mathieu avait grandi avec elle. Mathieu avait été forcé de participer aux premiers spectacles de danse, lorsqu'il avait sept ans et que Juliette d'Or avait menacé de marcher sur la queue de Bougetou s'il ne se pliait pas à ses exigences pour l'anniversaire de leur mère. Il avait suffisamment de traumatismes à surmonter seul sans avoir besoin de regarder des enfants innocents souffrir à leur tour à coup de jetés, de pliés et de positions de base.

De l'Ordre et de l'AventureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant