CHAPITRE 14

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Je n'avais pas prononcé le moindre mot depuis que nous avions pris la fuite. Je levai légèrement la tête vers ma mère. En diagonale, je voyais des larmes tomber de son visage. Quelques minutes après que je l'eusse regardée, elle emprunta un énième petit chemin sous des arbres. Elle se stationna sur un côté d'un chemin. Nous venions de quitter la route depuis un moment pour se cacher dans les bois.

Ça me brisait le cœur de la voir pleurer de cette manière. Moi non plus je n'arrêtais pas de verser des larmes, les terrifiantes images défilant devant mes yeux embrumés. Je ne me sentais pas capable de prononcer quoi que ce soit.

Sans voir la scène, j'étais persuadé qu'elle avait compris qui était la cible du coup de feu. Cette personne avec ce sourire si réconfortant et rassurant. Cet homme à qui j'avais commencé à faire confiance allait devenir le dernier adulte auquel je me serais attaché.

Après cette courte pause où la conductrice avait tenté de se reprendre ses esprits, nous étions repartis dans la nuit. Le matin pointait presque le bout de son nez. Je savais que notre destination n'était plus très loin. À force d'aller vers le nord, nous allions arriver aux limites de la France. Je l'avais appris cette année à l'école.

Je réalisai alors que je n'allais plus revoir mes amis que j'avais laissés derrière moi. Je m'étais éloigné d'eux déjà depuis un temps. Je ne voulais pas qu'ils se doutent de la situation que je vivais par peur que ça n'arrive aux oreilles de mon père. Il m'aurait donné une correction dans ce cas-là.

Au lieu de chercher du réconfort auprès de mes amis, je m'étais renfermé dans ma bulle. Je m'étais construit une muraille de secrets autour de moi, une fortification de peur.

Près d'une heure et demie après le départ, nous venions de quitter l'autoroute pour entrer dans une ville. Elle portait le nom de « Ouistreham ». Sur la carte routière posée sur mes genoux, je voyais qu'on était tout proche de la mer.

J'avais pris le gros livre qui se trouvait dans la portière à ma droite pour essayer de suivre le chemin que nous prenions mais également pour éviter de me remémorer cette détonation. Mes larmes avaient alors cessé quelques minutes après.

Ma mère actionna le clignotant et se déporta sur la droite. Elle ralentit devant une impasse et se stationna entre deux voitures, juste à côté de bâtisses. Les phares éclairaient de la végétation. Avant de nous arrêter, j'avais lu un panneau indiquant « Boulevard Aristide Briand ». Quand ma mère coupa le moteur, l'obscurité, encore très présente, nous enveloppa.

— Maintenant, il faut que tu dormes, déclara-t-elle en se retournant vers moi.

— Je sais que je ne vais pas réussir..., répondis-je des sanglots plein la voix.

Je ne pouvais pas, c'était au-dessus de mes forces. Un meurtre venait d'être commis par une personne que j'avais autrefois serré dans mes bras, un homme qui m'avait aimé. Elle me fit signe d'aller sur les sièges arrière. Pendant que je m'exécutai, je la vis sortir de la voiture puis y entrer pour s'installer juste à côté de moi. Elle me prit le bandana qui se trouvait dans mes mains et me l'enroula autour du poignet.

— Tu es plus fort que tu le crois, déclara-t-elle.

Puis elle m'attira à elle. La chaleur réconfortante de son enlacement n'était comparable à aucune autre forme d'amour maternel. Les larmes coulaient sur mes joues et mes sanglots redoublèrent. Je la sentais me caresser le dos pour m'apaiser, comme quand j'étais petit. Puis, petit à petit, je me calmais. J'étais allongé sur deux sièges, un manteau me servant de coussin de fortune. Nos regards étaient plongés l'un dans l'autre. Nous continuâmes de nous regarder jusqu'à temps que mes yeux se fermèrent sous le coup de l'épuisement.

𝐃𝐞𝐬𝐭𝐢𝐧𝐲 𝐌𝐚𝐭𝐭𝐡𝐢𝐞𝐮Où les histoires vivent. Découvrez maintenant