Phénix et le dernier Dragon - Tome 2, Les Veilleurs

Le Tatouage - (Chp 1-1)

Phénix relisait en boucle cette lettre de Min-Ho, qui lui avait causé tant d'angoisse ces dernières semaines. Assise sur le rebord de la fontaine centrale de Kald, son émotion était à deux doigts de prendre le dessus. Ses boucles dansaient au gré du vent, et la fraîcheur nocturne lui donnait la chair de poule.

Elle avait ressenti le besoin de s'éloigner de tout, et de tout le monde. La solitude était devenue une denrée rare et précieuse pour Phénix. Dès lors que la cité de Kald avait appris qu'elle était une femme munie d'un pouvoir extraordinaire, et que son animal de compagnie n'était ni plus, ni moins qu'un dragon, elle était devenue une célébrité au cœur de la cité.

Adulée par la population, et happée par les enfants de tous âges dès qu'elle mettait le nez en dehors de la demeure d'Harold, la tranquillité était une saveur qui lui manquait.

Mais ce soir, c'était différent.

Harold venait de lui faire une proposition plus qu'alléchante, une occasion en or d'aider l'ancien peuple de Cold Rock à se reconstruire. Mais malgré tout, son cœur et son esprit étaient ailleurs.

Elle avait la nausée rien qu'en pensant à Faithfields, à ce qu'elle avait reconstruit avec les siens. Et même si la plupart auraient été ravis qu'une telle opportunité leur soit présentée, elle savait que d'autres ne seraient pas du même avis, parce que tout comme elle, ils avaient la crainte d'être sous la coupole d'un nouveau tyran.

Pourtant, Harold n'avait rien d'un tyran. Il s'était montré chaleureux, accueillant, bienveillant. Il avait fourni à Faithfields des vivres afin de tenir tout l'hiver, en l'échange de l'aide de Phénix et d'Yldren dans le but de prodiguer les soins dont nécessitaient la population de Kald.

Et si s'installer à Kald signifiait que Phénix manquerait à nouveau de cette liberté dont elle a tant rêvé ? Si son pouvoir était la seule chose qui intéressait Harold, et qu'il se servait d'elle et d'Yldren pour servir son propre dessein ? Si elle ne devenait finalement qu'un outil de distraction et de symbole de crainte pour les autres pays ?

Elle ne voulait pas de tout ça.

Elle se pencha sur son reflet dans l'eau claire. Son visage dépeignait une souffrance silencieuse qu'elle ne parvenait pas à masquer. Et même si c'était la première fois qu'elle arrivait à se retrouver seule avec elle-même depuis un long moment, elle ne réussit pas à savourer cet instant de répit.

Elle laissa finalement la lettre de Min-Ho dériver au cœur de la fontaine, et le papier fut bientôt imbibé, effaçant petit à petit les derniers mots qu'il avait écrits.