9. cruauté

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Une fois par mois, généralement le vendredi, le club de tennis ouvre ses portes aux enfants de nos membres. Un tournoi est organisé. Les plus petits apprennent à tenir leur raquette, pendant que les plus grands s'essaient au service ou au coup droit. Gérer des gamins demande de la patience. Je ne vous raconte pas le nombre de fois où j'ai dû les séparer parce qu'ils se battaient pour pouvoir servir en premier. Ils sont élevés dans l'opulence. Autant dire qu'ils n'ont pas l'habitude de partager et d'attendre. Je crois que Hubert a compris que je n'étais pas très à l'aise avec les enfants. C'est sûrement pour ça qu'il m'a reléguée au service de la terrasse.

Croyez-moi: ce n'est pas plus tranquille. Les gens riches sont extrêmement exigeants. Pendant que leurs petits se défoulent, eux se prélassent dans des fauteuils à fumer des cigares et à boire des coupes de champagne. Il leur arrive de s'extasier devant la performance de leurs marmots, mais la plupart du temps, ils s'en contre foutent. Le seul réconfort que je trouve dans cette journée est de ne pas devoir donner de cours à Max. Il est encore pire qu'un petit morveux mal éduqué.

Je passe donc la matinée à servir des couples de gens plein aux as ou leurs nounous qui profitent enfin d'un peu de repos. Il fait vraiment chaud. Le soleil cogne sur les grands parasols blancs de la terrasse. Les pieds déjà endoloris, je me faufile entre les tables pour satisfaire la demande. Il y a un avantage à être au service aujourd'hui. Le père de famille moyen est lubrique. Il laisse traîner son regard vitreux sur les serveuses qui déambulent à côté de lui. Il suffit de sourire un peu pour qu'il crache les pourboires. J'en joue durant toute la matinée en prenant garde à rester discrète.

Il est midi quand je remarque une table encore inoccupée. Ce n'est pas normal. Hubert tient à ce que les personnes qui font des réservations soient ponctuelles. Question de rentabilité. Il se charge lui-même de les appeler pour expliquer poliment que nous pourrons pas garder leur place libre éternellement. Je signale la table à ma cheffe de rang, Hélène. Elle me rassure:

- Hubert les a appelé. Ils ne devraient plus tarder.

- Vous êtes sûre? Ils ont déjà une heure de retard. Si ça se trouve, ils ne viendront pas.

- Hubert a insisté pour que la table reste libre.

- Mais il ne fait jamais d'exception.

- Sauf quand il s'agit d'un champion du monde.

Hélène fait un léger signe de la tête en direction de la porte du bâtiment principal, puis elle me sourit et s'en va. Je sais parfaitement qui se tient dans mon dos, mais je choisis de l'ignorer et de retourner à mes occupations. Je m'occupe de la commande d'une mère célibataire. Un verre de Chardonnay pour Madame. C'est Gabriel qui est derrière le bar aujourd'hui. Quand je m'avance vers lui, plateau posé sur ma main ouverte, il me jette des regards inquiets. Il se dépêche de servir le verre de vin blanc en soufflant:

- Max est là.

- Je sais.

- Qu'est-ce que tu vas faire?

- Rien du tout.

Je m'en retourne à la mère célibataire munie du précieux verre de Chardonnay. Elle me remercie du bout des lèvres. Connasse. Et alors que je me retourne pour aller aider Gabriel, une voix s'élève dans mon dos:

- Mademoiselle.

Sa voix impérieuse et froide. Elle me fige un court instant. J'inspire profondément avant de faire volte-face. Max est assis à la table qui lui était réservée. Il arbore un sourire narquois. Je me dirige vers lui en essayant de ne pas trahir ce qui me traverse. Je le reçois comme s'il était un client comme un autre:

- Monsieur... que puis-je faire pour vous?

- Commence par déboutonner légèrement ta chemise et remonte un peu ta jupe sur tes cuisses.

Careful what you wish for // Max Verstappen - Lando NorrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant