UNE FAMILLE OU RIEN

Chapitre 5 - Bénédicte

J'ai vu les garçons presque chaque soir de la semaine. Nous passions un petit moment tous les 3 avant que Léo n'aille au lit, ensuite je m'éclipsais lâchement parce que l'idée d'être seule avec Vince me tente bien trop. Je suis aussi nerveuse qu'une collégienne devant son premier crush quand je suis avec lui. C'est ridicule mais je ne contrôle plus rien. 

Marcus est dans la cuisine en train de préparer le déjeuner. Ma famille devrait bientôt arriver et j'ai vraiment hâte de les voir. Je n'arrête pas de tourner autour de Marcus alors qu'il s'énerve.

- Va mettre la table, tu me donnes le tournis.

- Déjà fait.

- Alors va au diable, râle t il.

Je rigole et pose mes fesses sur un tabouret face à lui. Marcus est un excellent cuisinier et le rôti de bœuf et les légumes qu'il nous prépare me mettent déjà l'eau à la bouche. 

- C'est quoi mon gâteau? je demande en gigotant comme une enfant.

- Tu sais très bien que je ne te dirai rien, alors arrête. Tu es infernale! Parle moi du voisin, ça te changera les idées.

Je me renfrogne et Marcus me regarde surpris.

- Quoi? Il a refusé tes avances? Impossible!

- Très drôle, je grogne. Je ne lui ai pas fait d'avances! Il a un bébé je te rappelle.

- Et? 

- Et, c'est compliqué. Je ne veux pas de tout ça et tu le sais. 

- Hmm. Pourtant avec eux c'est différent non?

Marcus me connaît tellement bien que ça me fait presque peur parfois. Oui, c'est différent avec eux et c'est surement ça qui m'effraie le plus. Je ne voulais pas de vie de couple, de famille, de bébé et Vince représente tout ça en même temps. Marcus n'insiste pas me voyant perdue dans mes pensées. On frappe à la porte et je bondis de mon siège pour aller accueillir mes parents et ma sœur.

Je saute dans les bras réconfortants de ma Maman puis de mon Papa. Vient ensuite le tour de ma sœur et son petit ange. Je salue mon beau frère et tout le monde s'installe autour de la table. Vince arrive peu de temps après eux. Je m'occupe des présentations :

- Véronique et Richard mes parents, Béatrice ma sœur, Arnaud son mari et Angie la princesse. Vince mon voisin, Gauthier son papa et Léo.

En entendant son nom, le bébé s'agite dans les bras de son Papa et me tends ses petites mains. Je craque et le prends pour lui faire un gros câlin. Il bave joyeusement sur ma robe alors que je le dévore de bisous. Je surprends le regard attendrit de ma mère et je lève les yeux au ciel.

- Bah quoi? C'est chouette de te voir avec un bébé, dit elle en haussant les épaules.

- C'est ta toi le bébé tata? demande la petite Angie.

- Ah non, c'est le bébé de Vince ma puce. 

On s'installe autour de la table où tout le monde est bien serré par manque de place. Marcus s'arrange pour me coller entre lui et Vince. Je le fusille du regard mais il m'envoie un baiser depuis la porte de la cuisine. Nos parents discutent, une petite dizaine d'année les séparent mais ils semblent bien accrocher comme je le pensais. Arnaud discute avec Marcus de ses projets professionnels en cours. 

- Alors raconte, quoi de nouveau dans ta vie? Ca fait une éternité qu'on s'est pas eue au téléphone, se plaint ma sœur. 

- Oui, j'ai été pas mal occupé ses dernières semaines, je lui explique.

- Je vois ça, sourit elle en regardant Léo. Il a quel âge ce petit cœur?, demande t elle à Vince.

- 7 mois.

- Ohhh il est trop adorable. Ca donnerait presque envie d'en refaire un.

- Même pas en rêve, interviens Arnaud qui crée l'hilarité générale.

- Quoi? Je ne vais avoir qu'Angie? Vous êtes ingrates mes filles. Je vais m'ennuier à la retraite, se plaint ma mère.

- C'est au tour de Béné, nous on a déjà donné, se marre Arnaud.

Tout le monde me regarde et je rougis jusqu'à la racine.

- Tu vas faire un bébé avec Vince, tata Béné?

- Quoi? Non pas du tout, je réponds brusquement alors que Vince pouffe à côté de moi.

- C'est pas ton zamoureux?

- Euh non chérie.

- Bah qu'est ce qu'il fait là alors? 

Tout le monde rigole face à la franchise de la petite.

- Tu aimes les filles ou les garçons comme Tonton Marcus? demande Angie, les poings sur les hanches.

Vince me regarde sans comprendre.

- Tu es le zamoureux de Tonton Marcus?

- Euh non, je ...

Ses yeux font des aller retour entre moi et Marcus et je pince les lèvres pour ne pas rigoler.

- Et ouais mon chou, interviens Marcus. C'est ton joli postérieur qui m'intéresse, lance t il avec un clin d'oeil. La voie est libre.

- Non mais ça va oui, je râle. Je peux pas avoir un ami, juste un ami?

- Papa dit que les garçons veulent jamais être ami avec les filles, répond Angie.

- Amis, amis ou amis amiiiiis? demande Béa de façon suggestive.

- Béa, je grogne. 

- Quoi? Tu vas pas nous faire croire que tu es du genre à avoir des amis?

- Elle a réussi à ne pas toucher à mes collègues, c'est un exploit, se moque Marcus avant d'étouffer un cri de douleur après avoir reçu mon coude dans ses côtes.

- J'adore ta famille, se marre Vince. 

Je lève les bras en l'air dépitée alors que les discussions reprennent sur des sujets moins sensibles. Léo passe de bras en bras pour son plus grand bonheur. Angie veut absolument lui donner à manger et manque de l'étouffer. Ma mère est en train de le bercer contre son cœur. Léo ferme ses petits yeux de fatigue. 

- Tu veux le coucher dans ma chambre? J'ai ressorti le lit parapluie d'Angie, je demande à Vince.

Je l'accompagne jusqu'à la pièce après avoir récupérer Léo des bras de ma mère. Je l'embrasse tendrement avant de le rendre à son Papa qui me regarde avec une lueur étrange au fond des yeux. Nous restons un moment à nous regarder ainsi jusqu'à ce que Marcus entre.

- Oh pardon. Je récupère juste mes affaires, murmure t il. 

Vince fronce les sourcils en le voyant prendre ses vêtements dans mon dressing. Je décide de sortir avant qu'il ne pose des questions qui nous mettrons tous mal à l'aise. Ma mère a pris la place de Marcus et m'attend avec un sourire.

- Tu as l'air heureuse ma chérie.

- Euh, oui. Comme d'habitude, je dis en haussant les épaules.

- Hmm. Je parlais de ce jeune homme et son bébé, ils te rendent ... différente. 

- Arrête ça, tu veux? 

- Quoi? Je n'ai pas le droit de me réjouir pour toi? s'indigne t elle.

- Je n'ai jamais voulu me marier ou avoir d'enfants, et tu t'emballes parce que j'invite mon voisin et son bébé. Il n'y a rien entre nous et ça ne changera pas. Alors arrête de faire des plans sur la comète qui ne se réaliseront pas.

Le visage peiné de ma mère me fend le cœur. Je n'aime pas me disputer avec elle mais je supporte de moins en moins la pression sociale qui nous impose une vie qui ne nous correspond pas forcément. Si tu ne veux pas d'enfant tu es égoïste, si tu ne veux pas te marier tu as peur de l'engagement, si tu ne veux pas te mettre en couple tu es une fille facile. Je ne rentre dans aucune des cases que la société me présente et ça ne me dérange pas d'ordinaire. Sauf quand ma mère en rajoute une couche. J'ai l'impression de décevoir mes parents et ça ça me pèse.