Chapitre 22 - Bénédicte

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Je trésaille lorsque les lèvres de Marcus se posent sur ma tempe, il le sent, j'en suis certaine. Pourtant il continue à me parler et à me regarder comme si j'avais simplement fait une mauvaise chute. Si je n'arrive pas encore à lui parler, j'arrive au moins à lui sourire, c'est léger mais c'est là et c'est tout ce que je peux lui offrir.

Concernant Vince, je n'ose pas croiser son regard. Il n'ose pas me toucher, ni même me parler. Je dois le dégouter et cette idée me fait presque plus de mal que cette ordure. J'ai peur de ce que je vais découvrir au fond de ses yeux azur aux nuances de gris, alors je retarde ce moment. 

Durant l'interrogatoire, il est resté près de moi et sa main serrait la mienne en signe de soutient. Je crois que je n'aurais pas réussi à écrire toutes ses réponses sans lui. Il m'a insufflé sa force et je me suis reposée sur lui à travers ce geste. 

- Allez, petit monstre. On laisse Maman se reposer, dit mon ami en tendant les bras vers mon monde.

- Maman dodo?

- Oui, c'est bientôt l'heure du dodo mon amour. Tu reviens me voir demain, d'accord? 

J'embrasse son petit front avant de lui faire un câlin et finalement le tendre à Marcus. 

- Tu rentres ou tu restes? demande t il à Vince.

Je sens son regard sur moi, il attend une réaction que je ne lui donne pas. Pourtant, au fond de moi c'est le chaos. J'ai peur. Peur du noir, de la solitude, du silence. Je veux qu'il reste, je veux qu'il me parle. Ma respiration s'accélère malgré moi, j'ai du mal à respirer, je suffoque quand il tranche.

- Je reste.

Et là, mon cœur s'arrête, avant de repartir plus serein. Il reste. Marcus part avec Léo et le silence que je redoutais tant nous englobe.

- Je ne sais pas quoi te dire, commence t il. Je ne sais même pas si tu veux que je sois là, si tu veux que je te parle. Je suis désolé. Je m'en veux tellement, tout est de ma faute. J'ai essayé de la retrouver, pour l'empêcher de lui faire du mal mais ... je n'aurais jamais imaginé une chose pareil. Parle moi mon ange, s'il te plait. 

Mes dents grincent, j'ai envie mais je n'y arrive pas. J'ouvre la bouche, j'essaie mais aucun son ne sort. Mes yeux brûlent et je suis épuisée mais j'ai peur de dormir. 

- C'est pas grave, murmure t il en s'approchant de moi. Tu le feras quand tu seras prête. Tu veux que je reste cette nuit?

Je me décale sur le lit, laissant assez de place pour qu'il s'y installe. Ma plaie à l'abdomen me fait grimacer de douleur. Il comprend et s'installe délicatement à mes côtés. Le lit est étroit et son corps frôle le mien inévitablement, pourtant j'en suis soulagée. J'ai besoin de le sentir près de moi, j'ai besoin de lui, besoin de sentir qu'il m'aime encore un peu ou je vais sombrer et ne jamais me relever. Je pose ma tête sur son torse et il se détend avant de me serrer contre lui.

- Je t'aime tellement mon ange.

Il embrasse mon front alors que je sombre dans le réconfort de son odeur.


Deux jours plus tard, je suis de retour à la maison. Vince est resté avec moi en permanence. Ma famille est repartie et la vie reprends son cours. Marcus reprend ses gardes ce soir et Vince retourne à l'usine demain. Il m'a proposé de mettre Léo à la crèche mais je préfère le garder près de moi. Et puis, ça me permettra de m'occuper, parce que seule ici je vais devenir folle. 

Je suis dans la salle de bain en sous vêtement et pour la première fois depuis la séquestration je découvre mon corps. J'ai des bleus partout, ils ont désormais une couleur penchant vers le vert-jaune mais on distingue encore très bien ses doigts qui m'ont serré trop fort. La porte s'ouvre, je ne réagis pas.

- Désolé, j'ai cru que .... 

Sa voix s'étouffe et je vois dans le miroir ses yeux détailler mon corps meurtri. Je ne me cache pas, à quoi bon. 

- Tu as besoin d'aide? finit il par articuler.

Il regarde les boites de compresses et le désinfectant que j'ai sorti. Pour réponse, j'allume l'eau de la baignoire. Je veux prendre une douche, il faudra que je refasse mon pansement après. Mais ce qui m'horrifie c'est de devoir grimper dans la baignoire. Rien que de me baisser pour ouvrir le robinet m'arrache une grimace. 

- Je peux? me demande t il en désignant ma culotte.

J'acquiesce mais ne peux m'empêcher de me crisper lorsqu'il frôle ma peau. Une fois nue devant lui, il passe un bras autour de ma taille et m'aide à monter dans la baignoire sans solliciter mon ventre. Il bascule l'arrivée d'eau vers le pommeau et me le tend. Il tire le rideau me laissant un peu d'intimité et je l'entends s'assoir sur le carrelage. Il m'aide ensuite à sortir et m'essuyer. Je le laisse refaire mon pansement avant d'enfiler un jogging et un pull difforme. Je suis épuisée par cette épreuve et vais me coucher en silence. Léo est déjà endormi au milieu de notre lit. Je me blotti contre lui et réussi à m'endormir quand Vince nous rejoint. 

Je suis réveillée à la seconde où il quitte le lit et c'est ainsi chaque nuit. Je ne dors que s'il est là, contre moi. Pourtant je n'arrive toujours pas à lui parler ou à le regarder. Je retravaille doucement pour m'occuper l'esprit. J'ai déjà loupé 3 séances avec ma thérapeute. Qu'est ce qu'elle fera de plus? Elle effacera ma mémoire à l'aide d'un "oubliette"? Non, je ne crois pas alors ....

Il s'est écoulé une quinzaine de jours depuis ma sortie de l'hôpital. Je suis dans la salle de bain quand Vince vient frapper à la porte avant d'entrer. Je me tourne vers lui et lève les yeux. Il est presque aussi surpris que moi. 

- Tout va bien? Tu es toute pâle.

- Je suis enceinte, je souffle alors que des larmes coulent pour la première fois depuis mon calvaire.

Il regarde mes mains et découvre dans l'une ma plaquette de pilule presque pleine et dans l'autre un test de grossesse positif. Je n'avais qu'une journée de retard mais quand je suis tombée sur ma plaquette de pilule ce matin, j'ai compris. Ce porc n'a pas pris la peine de mettre un préservatif et moi, j'avais oublié de prendre ma pilule en sortant de la maison pour me faire kidnapper. 

Différentes émotions traversent son visage, je penche la tête sur le côté. C'est étrange nous avons eue la même réaction. Une pincée de joie, puis de la peur, enfin la compréhension s'accompagnant de l'horreur. Je n'arrive pas à lui parler depuis 2 semaines mais ces quelques mots j'ai réussi à les dire à voix haute, peut être pour les rendre plus réel. Il s'approche et me prends dans ses bras, les miens pendent lamentablement le long de mon corps.

- Ca va aller, tout se passera bien.

- Ah oui? C'est vraiment ce que tu crois? Après une séquestration, des coups et viols à répétition, deux meurtres et une balle dans le ventre j'ai le droit à un avortement. Mais oui, tu as raison, ça va aller. Tout va bien.  

Je tourne la tête furieuse et croise le regard de Marcus.

- Poussinette ... commence t il mais je le coupe vivement.

- Ne t'y mets pas toi aussi, je le menace avant de sortir en trombe.

Je me jette sur mon téléphone et prends rendez vous pour mettre un terme à ce calvaire. Lorsque je raccroche mon petit monde court vers moi. Vince arrive derrière lui et pince les lèvres avant de se lancer :

- Tu devrais peut être arrêter d'annuler tes rendez vous avec la thérapeute.

Ca c'est un coup bas, c'est petit et je lui jette une regard noir mais ne répond pas. Je ne veux pas crier devant Léo et c'est bien pour ça qu'il me dit ça maintenant. Mon sang bouillonne. Toute la rage que j'ai accumulé refait surface avec tellement de violence que mes muscles tremblent et je finis par lâcher les dents serrés :

- Pourquoi? Tu es en manque? Vas y je t'en prie, j'ajoute en levant les bras. Fais toi plaisir, c'est pas comme si mon avis importait.

Je suis injuste, méchante et blessante. Mais j'ai mal et j'ai besoin qu'il souffre avec moi. Il est trop doux, trop gentil, trop bienveillant. Je veux qu'il hurle, qu'il crie, qu'il frappe, qu'il déverse la colère qui le consume lui aussi. Mais il ne fait rien, il ne répond pas, secoue la tête et fait demi tour. Ca fait encore plus mal. J'ai cru que le faire souffrir me libérerait un peu mais non. Je me sens toujours aussi vide, sale et humiliée.

UNE FAMILLE OU RIENOù les histoires vivent. Découvrez maintenant