La bonne étoile du loup

Chapitre 38 : Dernier concert

"Bonsoir, nos chers fans ! Nous vous remercions d'être venus nombreux ! A présent, nous allons vous jouer un morceau que j'ai composé très récemment."

Suite à l'annonce de Cepheus, situé en hauteur sur une large scène sombre en compagnie de son groupe et d'Anthea, le public partit dans de bruyantes exclamations. Certains moldus, très sensibles se déboitaient le corps, rendu incontrôlable par l'excitation, ou même s'évanouissait. Et lorsque Frank et Cepheus, joueurs, décidèrent de retirer leur chemise et de la lancer dans cette mer d'admirateurs, ce fut encore pire.

"Cette chanson s'appelle, Cepheus tourna ses yeux d'or brun vers Anthea, Petite Sorcière."

Une flèche de Cupidon transperça le cœur de la jeune femme. Avait-elle bien entendu ? Une chanson pour elle ? En quel honneur ? Etait-ce un truc pour plaire au public et faire le show ? Ou une déclaration ?

Les joues empourprées, le cœur battant, elle entama la mélodie avec le reste de ses compagnons en évitant

Face au public, enveloppée dans la chanson de Cepheus qui proclamait son nom et sa personne, Anthea se sentit transporter dans le feu de ce ciel nocturne que les nuages dissimulaient. Un feu que nul mortel n'aurait pu atteindre sans la puissance de cette mélodie.

La voix de Cepheus paraissait surnaturelle. Elle était composée de contradictions qui la rendaient charmante et étrange à la fois. Son côté ébréché la rendait semblable à la voix d'un squelette sortant d'outre-tombe qui entamait un chant liturgique, amplifié par un écho imaginaire, tandis que la chaleur de ses cordes vocales et son ton grave la rendaient tendre, chaleureuse, sulfureuse et céleste. Il était une tentation interdit, la vie dans la mort, l'automne dans l'hiver. Il était normal que face à un tel talent, une telle particularité et un tel paradoxe, le public était subjugué.

Tandis qu'elle jouait, elle essayait de percevoir les paroles du sorcier. Sans forcément rentrer dans les détails, il s'inspirait de leur rencontre.

Cepheus avait transformé leur rencontre dans son atelier de tatouages, en une rencontre faite dans le ciel noir de la nuit, entre un architecte des étoiles et une sorcière qui errait toutes les nuits sans but. Le tatoueur du ciel, en train de poser des étoiles sur la voûte céleste, avait décidé de décorer cette solennel, sombre et mélancolique sorcière de lueurs qu'elle avait perdu. Au fur et à mesure de leurs nombreuses rencontre, l'amour était né dans le cœur de l'architecte. Celui de la sorcière fut plus difficile à toucher. Elle se trouver trop sombre pour aimée avec une telle naïveté, innocence et pureté. Elle rejeta le décorateur du ciel.

Il lui affirma alors que se beauté ne l'avait jamais effrayé, qu'elle était entre l'ange et le démon, et que c'était cela qui était beau. Elle était entre la Lénore de Poe dont les retrouvailles étaient promises par le Paradis lui-même, et la Ligeia du même écrivain, femme assez puissante et redoutable pour maîtriser la mort et s'incarner, terrible, dans la vie d'une autre femme. La sorcière de la chanson regroupait, elle aussi, de charmants et fascinants paradoxes. Le bien, le mal, la pureté, le péché, le sublime, le terrible. Elle était divine et damnée, mais avant tout, elle était belle dans la laideur que tout Homme partageait, et pure dans les péchés humains. Elle surpassait tout le monde par la tragédie qui défilait dans ses yeux qu'elle avait acquis par l'expérience.

Vînt alors le refrain.

Lors du refrain, elle eut l'impression d'atterrir dans un monde où les étoiles étaient en apesanteur à quelques centimètres du sol. Les astres l'entouraient de leur pureté, la lune l'éclairait dans la plus grande clarté et, en même temps, dans le plus grand des mystères. Cet univers de rêverie la menait vers le miroir du monde dans lequel elle se refléta. C'était peut-être arrogant, mais grâce à la chanson du sorcier, elle avait l'impression d'être le centre de l'univers qu'il tissait de ses doigts et de sa voix.