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Mon front appuyé contre la vitre fraîche, le paysage de notre ville défile devant mes yeux dans une danse rythmée au tempo de mes pensées.
Le froid qui règne dans l'habitacle n'a d'égal que les températures extrêmes du pôle nord je crois.
Hero conduit en silence et en colère.
Je ne me donne pas la peine d'essayer de lui parler, je ne lui demande même pas où nous allons.
Il est d'une humeur massacrante. Je ne l'ai jamais vu comme ça. Son père est donc le seul capable de le mettre dans cet état. Hero et moi nous sommes disputés plusieurs fois mais jamais il n'a fait preuve d'une telle fureur. Mon cœur se resserre. Je ne peux m'empêcher de ressentir de la peine.

Les mots échangés me reviennent et construisent automatiquement une vision plus claire de la personne d'Andrew Mac Cartaigh du point de vue de Hero. Cette vision me montre clairement un humain que je n'apprécie pas.
Hero a beau être grand, il reste le fils de son père. Ce dernier peut encore l'affecter même après tant d'années.
Tous les bals ont-ils toujours été ainsi ? Cette soirée m'a fait réaliser à quel point Hero peut se sentir seul au monde et combien il est brave de faire face avec une si bonne attitude. Malgré tout, même un homme adulte et habitué à sa solitude a besoin de réconfort. Il a beau être fâché contre moi, j'espère qu'il sait que je pensais chaque chose que j'ai dite à son père à propos de lui. Hero est quelqu'un de bien, il mérite qu'on le lui dise plus souvent. Simplement, je n'ai aucune idée de quoi faire pour le réconforter.

Nous arrivons devant mon immeuble et il descend de la voiture. Je suppose donc que je dois faire de même.
Nous montons en silence. Il se tient derrière moi raide comme un garde du corps, sa colère trop infusée irradiant de lui. J'ignore s'il m'est déjà arrivé d'être plus mal à l'aise qu'en cet instant précis.

Arrivés devant chez moi, j'ouvre la porte et la tient assez grandement ouverte pour lui faire comprendre que je veux qu'il puisse entrer. Je veux qu'il entre. Je ne veux pas qu'il s'en aille comme ça.
Debout près de la porte, il a l'air encore plus grand ce soir. Son costume chic lui sied si bien qu'on dirait qu'il est né avec. Son air sérieux, un peu plus prononcé que lorsqu'il travaille, fait ressortir les traits matures de son visage qui, en général, n'apparaissent pas souvent à cause de son sourire qui lui imprime un air juvénile la plupart du temps. Se tenant ainsi devant moi, il exsude une masculinité à couper le souffle. Il me fixe de ses yeux qui sont plus pénétrants que deux flèches, d'apparence impassibles mais qui avec le reste de son faciès donnent un air de conquérant qui s'apprête à m'arracher la tête.
Je souffle silencieusement, ma bouche devenant tantôt pâteuse, tantôt sèche. Je n'ai aucune idée de comment gérer Hero quand il est si en colère.
Nous nous tenons l'un en face de l'autre, sans un mot. Il ne veut pas s'asseoir je le vois bien. Son regard sur moi est dur. Il attend peut-être que je lui demande pardon. Parce que c'est exactement ce que je devrais faire.

—Hero je suis désolée de...

—Ferme la, souffle-t-il avec une autorité incontestable.

J'écarquille les yeux tandis un courant froid s'étend sur ma peau.
Je suis si surprise par sa voix basse mais sombre que je me tais automatiquement.

Normalement je me serais énervée, lui interdisant de me parler de la sorte mais je dois avouer être intimidée par sa colère. De plus, j'ai été impolie envers son père, je peux bien supporter qu'il me dise de fermer ma gueule. Si seulement j'avais pensé à la fermer plus tôt.

—Qu'est-ce qui t'a pris de parler comme ça ? A quoi tu pensais ?

Sa voix est calme, son ton stable, régulier et maîtrisé. Un frisson de plus me parcourt.

Qu'est-ce qui m'a pris de faire ça putain ?

—Je voulais juste qu'il...

—Je t'ai dit de la fermer.

Burgundy ShadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant