L'arrivée attendue

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 — Ne t'avais-je pas demandé de t'occuper des chevaux ?


Penaud, je baisse la tête. Je n'ai aucune excuse digne de ce nom à formuler, alors je reste silencieux.


— Ce n'est pas parce que la reine t'a à sa botte que tu peux te permettre l'irrespect. Je te rappelle que nous attendons une importante venue aujourd'hui !


Je courbe un peu plus l'échine. Que puis-je répondre à cela ? Même si ses mots résonnent avec mon impatience, je suis loin d'avoir agi correctement.

J'ai veillé bien trop tard la veille, plongé comme je l'étais dans mes ouvrages préférés. Un sommeil lourd et épuisé m'a cueilli au petit matin et lorsque je me suis remémoré l'engagement qu'on m'avait demandé d'honorer, l'heure était déjà bien avancée. Je devais brosser les chevaux. Nettoyer et mettre de la paille dans leurs boxes, m'assurer de leur donner de l'eau. Je suis difficilement parvenu à tenir les délais, et les loges de ces braves bêtes sont loin d'être aussi propres qu'elles le devraient.


— Toutes mes excuses, messire.


Un soupir résonne juste devant moi. Le garde, un homme de grande carrure et le visage barré par une cicatrice me toisent de haut. Je suis plus petit que lui d'une bonne tête. Mais je suis de bien plus faible constitution que la plupart des hommes que j'ai rencontrés depuis ma naissance, alors je ne fais plus guère attention à ce détail à présent.

Son regard froid est un peu méprisant. Il me rappelle que j'ai beaucoup de chance d'être ici, logé et nourri. Je le sais. Mon sort est plus qu'enviable et je n'ai pas le droit de me montrer trop avare. Je passe le plus clair de mon temps à retranscrire d'anciens ouvrages, et ces courtes tâches que ma basse condition m'impose ne sont pas régulières, car mon travail seul de copiste suffit à me faire gagner ma pitance.

Alors, je m'incline profondément et je m'excuse pour la seconde fois, proposant même de reprendre mes tâches incomplètes pour les achever dignement. Si je dois terminer plus tard aujourd'hui, cela ne sera que justice rendue.

L'homme marque une brève hésitation, mais finit par accepter après une énième remontrance et l'ajout d'une corvée supplémentaire.

Une fois hors de portée de ses yeux, je laisse mes épaules se relâcher dans un soupir. Au final, je m'en tire bien.

Peu enclin à me faire reprendre à nouveau, je me dirige donc vers la loge pour m'atteler aux tâches qui m'ont été confiées. Au passage, je ne manque pas de m'arrêter quelques instants pour caresser le poil soyeux des étalons du roi, m'excusant de les avoir si mal traités. Ce sont des mâles puissants à la robe sombre et aux corps robustes. Son Altesse les aime vifs et hargneux. Si j'écoutais les ont dit, je pourrais même dire qu'il les choisit ainsi pour compenser sa propre couardise. Mais ce n'est guère une façon de penser de son seigneur, et je préfère m'en abstenir pour éviter les ennuis.

Alors que je m'attelle à mon nettoyage, j'entends au loin quelques servantes bavarder gaiement en se dirigeant vers les appartements du roi. Les murmures enflent avec le jour qui s'étend. Mais ce que je retiens, c'est ce petit quelque chose de particulier qui règne dans l'air.

Le seigneur Bakugo, un important chef de guerre, va enfin revenir sur nos terres après plusieurs mois d'absence. À trente-et-un an, c'est un combattant reconnu et respecté qui a déjà plus d'une fois démontré ses capacités physiques et tactiques. Tout le palais est à la fois effrayé et excité par sa venue. Il en est de même pour moi. Ma soudaine impatience me fait redoubler d'ardeur et je balaye vivement les dalles abîmées de la cour, ma dernière tâche, pour rapidement en finir. Ce travail n'est pas très utile étant donné les va-et-vient incessants qui vont bientôt se succéder ici. Mais je ne me plains pas.

Epouse moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant