Epouse moi

🍋 Brève accalmie

Rien ne vient perturber la quiétude des lieux, si ce n'est le doux bruit du crépitement dans la cheminée. Pourtant, je ne parviens pas à trouver le sommeil. Ma nuit s'est arrêtée lors du passage de l'un des gardes en activité, au moment fatidique où mon esprit était trop proche du réveil pour réussir à l'occulter. À présent, mes yeux fixent le plafond sombre de la chambre, à peine rougi par la lueur des flammes. Confortablement emmitouflé sous les couvertures, je profite du calme et de la présence chaude de Katsuki près de moi. Je sais que je ne dormirais plus de toute façon. Mon mental est trop submergé par mes nombreuses pensées pour pouvoir à nouveau glisser dans les limbes du sommeil.

Car il y a tant de choses auxquelles je ne peux m'empêcher de réfléchir. Je songe à l'étau causé par mon sentiment d'impuissance, qui se fait chaque heure un peu plus fort ; à mes craintes que le temps n'apaise pas.

Je souffle, forçant leurs murmures à se taire de force.

Comme chaque matinée, je préfère égarer mes pensées sur le sort de Denki et d'Eijiro. Leurs jours ne sont plus en danger à présent et ils se remettent doucement de leurs blessures. Selon les dires du médecin en chef, qui malgré son caractère exécrable est plus que compétent, chaque minute comptait. Nous avons agi à temps, lorsqu'ils ont été attaqués par les Juhyos.

Pourtant, les huit longues journées qui ont suivi cet évènement ont été suffisamment angoissantes pour me causer de nombreuses insomnies. Ce n'est que lorsqu'Eijiro, le premier, a ouvert les yeux pour de bon, que j'ai pu me détendre réellement. C'est Tetsutetsu qui se tenait à son chevet, quand il a repris connaissance. Se réveiller auprès d'un proche doit être rassurant, bien qu'Eijiro ait affirmé qu'il avait vécu pire.

Depuis son éveil, cinq jours ont passé et le grand guerrier est déjà bien trop actif pour quelqu'un qui devrait rester alité. Il nous épuise, les infirmières et moi, alors que nous essayons désespérément de le maintenir au repos.

Denki a rouvert les yeux une demi-journée plus tard. Cette fois, c'est moi qui me tenais à son chevet. Le blond était encore comateux quand il a posé ses pâles pupilles sur moi. Il arborait une expression si calme que j'ai cru pendant un instant qu'il s'agissait de quelqu'un d'autre. Ses éclats d'or ne se sont égayés que lorsque j'ai commencé à lui expliquer où il se trouvait. Le jeune homme s'est alors agité, cherchant à en savoir plus. Il fut d'ailleurs étonné de découvrir Eijiro dans le lit adjacent, car « d'ordinaire, il est quand même plus costaud que cela ».

Il faut dire que contrairement à mes compagnons, aucune mission ne m'attend en dehors de ces murs. J'ai tout le loisir de rester à leurs côtés. C'est ce que je fais d'ailleurs et cela, depuis le fameux jour où j'ai prêté main-forte aux infirmières. Mais grand Dieu, que les treize jours qui ont pu passer depuis l'incident ont été longs ! Pour passer le temps, et parce que constater que la mort peut frapper à n'importe quel instant m'a plus fortement secoué que je ne l'aurais cru, j'ai commencé à écrire des lettres. J'avais cette envie depuis que j'avais lu la missive de la reine Camie. L'alitement de mes camarades m'a finalement fait sauter le pas.

J'ai donc rédigé plusieurs messages à l'intention des personnes chères à mon cœur. J'ai pris un moment pour les rassurer et leur raconter ce que j'avais découvert. J'ai narré toutes les péripéties que j'avais rencontrées. Je craignais de ne pas savoir quoi coucher sur le papier, mais étrangement, ma plume s'est agitée sans que je ne puisse hésiter. J'ai fait part de mon envie de rendre Katsuki heureux et de m'intégrer au groupe, et j'ai demandé à messire Toshinori des conseils à ce sujet. J'ai écrit à Camie que la reine Momo prenait grand soin des fleurs que notre pays leur avait offert, et que leurs floraisons étaient magnifiques. J'ai longuement narré à Tsuyu à quel point nos coutumes divergeaient, et que cela ne manquerait pas à coup sûr de la surprendre.