Lourd secret

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Sidjil embrasse Maxime. Et il sourit, parce qu'il sait qu'il en a le droit, et autant qu'il le souhaite. Parce qu'ils sortent ensemble maintenant. Doucement, Sidjil passe une main sous le T-shirt de Maxime. Ses muscles se tendent et il s'empresse de retirer la main de son compagnon. Sidjil fronce les sourcils avant de s'excuser franchement. Sa démarche n'avait pas la vocation d'aller trop loin.

- Non, c'est moi qui suis désolé, Sid. Je ne me sens pas prêt. Puis le jeune homme s'écarte de deux mètres.

Troublé par cette distance soudaine, Sidjil ne sait comment réagir. Alors il laisse Maxime seul, estimant que c'est ce que l'autre lui demande sans un mot.

Il s'affaire donc à occuper son esprit en rangeant les babioles qui traînent dans son salon. Finalement, en début de soirée, le jeune homme frappe doucement à la porte de sa chambre. Son petit ami est étendu sur le matelas et regarde le plafond d'un air triste.

- C'est bientôt l'heure. Annonce-t-il de sa voix la plus conciliante.

Maxime se relève sans grande énergie et commence à se préparer. Pas une fois, il ne regarde son copain qui sent une sourde douleur s'emparer de son cœur.

Un silence pesant occupe l'espace dans la voiture de Maxime pendant qu'ils roulent en direction du restaurant où leurs amis les attendent. Sidjil souhaite crever l'abcès, mais la mâchoire serrée du conducteur lui assure qu'il restera mutique pour le moment. Sacrée ambiance, se dit-il.

Ils saluent leur compère avec joie, Sidjil remarque le visage de son copain qui s'illumine à la vue de Matthis. Il essaye de ne pas paraître trop jaloux, lui aussi aime beaucoup ses amis après tout.
Ils s'installent à une table au fond de l'établissement. Là où aucun jeune ne pourra les apercevoir et gâcher leur réjouissance. Si d'ordinaire, Maxime s'appuie nonchalamment sur lui tandis qu'il l'entoure d'un bras protecteur, aujourd'hui, il reste droit sur sa chaise sans établir de contact, ni visuel, ni physique. Manas lui lance des œillades interrogatrices. Le comportement distant ne passe absolument pas inaperçu auprès de leurs camarades. Maxime s'investit trop dans la discussion en cours pour que ce soit naturel. Même Grim, qui capte difficilement les comportements anormaux chez ses amis (il n'a toujours pas compris que Théorus est amoureux de lui malgré son insistance), comprend que son bestie n'agit pas comme à son habitude.

Quand Maxime quitte la table afin de se rendre aux toilettes, tous les visages se tournent en direction de Sidjil. Ils veulent des réponses à leur questionnement, ils risquent d'être déçu, même lui ne comprend pas ce qui arrive à son copain.

- Il a forcément dû se passer un truc... Réfléchit Élian. Max' n'est pas du genre à réagir comme ça.

- Bah, je cherche, mais je ne vois vraiment pas... Commence Sidjil, mais instantanément, une grande inquiétude s'empare de son cœur. En fait si, y'a peut-être un truc...

- Tu veux en parler ? Propose Manas, qui souhaite offrir à son meilleur ami une porte de sortie. Il sait qu'Elian et Grim sont du genre insistants.

- Je ne sais pas trop...

- Dépêche avant qu'il revienne, le presse Elian.
Alors Sidjil leur confie ses inquiétudes. Comment ne pas douter des sentiments de Maxime lorsque ce dernier ne cesse de s'échapper de ses étreintes ? Ou au moins douter de son attirance. Parler aussi ouvertement de ses désirs le met mal à l'aise, cependant, mettre des mots sur ces confusions l'aide à ordonner ses pensées.

- Max est trop amoureux de toi. Affirme Élian, il n'arrive pas à ne pas prononcer ton nom plus d'une heure et y'a ta tête sur son fond d'écran.

- Et ses yeux quand il te regarde. Tu verrais comment ils brillent ! Ajoute Manas en posant sa main sur celle tremblante de son ami.

Soudain, Grim soupire en replaçant correctement sa fourchette. L'attention se porte sur lui et après un silence durant lequel tous sont pendus à ses lèvres, il déclame d'une voix grave, qui, associé à son regard dans le vide, le fait ressembler à un oracle.

- Il ne te l'a pas dit ?

Grim restant celui qu'il a toujours été, Sidjil a du mal à saisir s'il détient véritablement une information sur la réaction de son petit ami ou s'il se fout simplement de sa gueule.

- Pas dit quoi ? Élian lui coupe l'herbe sous le pied.

- Ce n'est pas à moi d'expliquer ce qui se passe dans la tête de Maxime.

- Frère ! Tu peux pas balancer une bombe et t'arrêter comme ça ! Râle Elian.

Sidjil s'enferme dans un mutisme pensif. Les paroles de Grim le bouleversent complètement. Maxime lui cache donc quelque chose. Et ça le tue que son copain ne lui fasse pas confiance à ce point. Encore une fois, il sent une pointe de jalousie appuyer sur son cœur.

Puis Maxime revient, et avant de s'asseoir, il laisse sa main s'échouer sur l'épaule de son copain. Ce simple geste suffit à rassurer Sidjil. Élian et Manas ont raison, Maxime est toujours amoureux de lui, ce qu'il lui cache a un lien avec autre chose...

L'ambiance de la seconde partie de soirée est meilleure. Sans doute parce que Maxime n'a pas lâché l'épaule de Sidjil après son retour d'expédition. Il en faut peu à son compagnon pour le rendre docile et apaiser ses craintes. Seules les œillades noires que Grim jette parfois à son ami trahit les non-dits de la table.

À la fin du repas, la bande d'amis se fragmente en plusieurs groupes, Elian et Manas partent de leur côté, rendant perplexe les trois autres. Sidjil est certains que les deux hommes habitent pourtant dans des coins opposés de la ville. De toute façon, Manas lui confiera tout bientôt, c'est comme ça que leur amitié a toujours fonctionné.

Sidjil monte dans la voiture de son petit ami. À peine a-t-il le temps de fermer la porte qu'il voit Grim attraper la main de Maxime. Le métis murmure quelque chose à son oreille et immédiatement, son sourire s'éteint. Enfin, Grim le prend dans ses bras et part de son côté. La route du retour est aussi silencieuse que celle de l'aller. Mais cette fois, Sidjil remarque que Maxime cherche ses mots. Bien que pour le moment, il n'y parvienne pas, il essaye quand même de lui parler et le jeune homme interprête cette intention comme un bon présage.
Quand enfin, il se lance, le cœur de Sidjil s'effondre comme une étoile en fin de vie.

- Je ne veux pas coucher avec toi. Pas aujourd'hui, pas demain, jamais. Sidjil s'apprête à répliquer, mais Maxime ne lui en laisse pas l'occasion. Ne me coupe pas sérieux, c'est déjà assez difficile comme ça, putain. Non, ce n'est pas à cause de ton physique ou du fait que tu sois un gars. Sa voix est lasse, son discours bien rodé, on dirait des paroles réchauffées au micro-onde. Et non, ça ne veut pas dire que je ne suis pas amoureux de toi. J'ai juste... Pas envie ! C'est un soulagement quand il finit par l'avouer. Je n'ai jamais eu envie. J'ai essayé une fois, c'était nul. Si ça ne te convient pas, je comprendrai, mais j'espère que toi, tu m'aimes assez pour ne pas me quitter pour ça.

- Ok.

- Ok ? Sa voix déraille et adopte les caractéristiques de celle d'un soprano. Deux lettres, un lexème que le jeune homme n'arrive pas à interpréter.

- C'est ok Max'. En fait, je suis même rassuré. Sidjil se mit à rire. J'ai cru que tu avais pécho Grim et que tu ne voulais pas me le dire. Alors à côté, ce n'est rien.

- Grim et moi ? S'insurge-t-il, sérieusement, tu as vu sa tête ? J'ai meilleur goût que ça !

- Merci. Je suppose.
Ils passent la fin de la soirée blottis l'un contre l'autre dans le canapé, sans rien faire d'autre que de profiter de leur présence mutuelle, avec le soulagement de n'avoir, enfin, plus de secret lourd à porter. 

C'est un capOù les histoires vivent. Découvrez maintenant