Allergie

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Sidjil est un amoureux des fleurs. Sous ses grands airs de garçon insouciant qui n'a peur de rien, il reste un grand romantique. Pourtant, elles ne le lui rendent pas bien. En effet, s'il existe bien une chose capable de le mettre au tapis en moins de temps qu'il ne faut pour dire « tarte aux myrtilles », c'est bien le pollen. (Et les mots doux de Maxime, mais ce n'est pas encore le propos de notre histoire.). Alors, chaque fois qu'il passe devant ce fleuriste établi en bas de chez lui, un profond soupir de frustration s'échappe de ses poumons. Il rêverait de pouvoir entrer dans la boutique pour sentir tous les parfums envoûtants de ces si jolis végétaux.

Ces petits gestes, qui trahissent son amertume, agacent Maxime. Pas parce qu'il trouve la passion de Sidjil pour les plantes idiote, au contraire, mais parce qu'il ne sait pas quoi faire pour pallier ce triste sentiment.

Alors, un soir qu'il joue à League Of Legend avec Grim en live, Maxime est frappé par une illumination quasi-divine. Il prend un grand soin à remplacer les pronoms « il » par « elle » dans sa phrase, pour ne pas trahir le cocon de leur vie privée face à son public, mais annonce tout de même à son meilleur ami qu'une idée géniale vient de le traverser. Il ne s'avancera pas sur son contenu alors que Sidjil est sans doute en train de l'observer sur l'écran de son téléphone, mais après ça, il remporte toutes ses parties avec Grim, comme si sa motivation dépassait le cadre de son couple.

La mise en place de son incroyable plan dure des semaines. Maxime, dans un perfectionnisme non-mesuré, souhaite que chacun des éléments qui composera sa surprise soit réussi. Pas parfait, parce que dans la nature, rien ne l'est vraiment, mais que le rendu ne soit pas trop moche. Ainsi, dès que son petit ami ne se trouve pas dans la même pièce que lui, il avance doucement sur ce projet de longue haleine.

Un soir, tandis qu'ils se baladent dans les rues vides de la ville, Sidjil s'empare de la main Maxime qui se retire immédiatement en grimaçant. Le copain de présentateur est confus, il n'y a personne autour d'eux, pourquoi s'éloigner si brusquement de lui ?

- Désolé, je me suis coupé avec une fiche de Zen. Maintenant qu'on a fait le Zénith, Grim ne veut plus coller les feuilles, alors c'est moi qui m'en occupe.

- Aucun respect ces stagiaires... Commente Sidjil, cette fois, il prend la main plus délicatement, l'observe sous toutes ses coutures et remarque les multiples égratignures qui zèbrent sa peau. C'est une seule fiche qui t'a fait ça ? S'étonne-t-il. J'espère tu l'as brûlé la connasse.

- Tu crois que je chauffe comment mon appartement. Réplique le jeune homme en riant. C'est quoi ton parfum préféré ? Le changement de sujet est si brutal que Sidjil trébuche.

- Euh... Le tien ?

- Mais encore ? Maxime détourne le regard pour ne pas que son copain remarque les rougeurs sur ses joues.

- Fruits rouges. C'est ce que tu sens. Il sourit malicieusement, conscient de l'effet de ses paroles sur son interlocuteur.

Enfin, trois jours plus tard, l'ouvrage est terminé. Il ne reste plus qu'un seul détail à régler, Maxime cherche dans la salle de bain, le parfum que sa mère lui a offert pour Noël, et sur la pointe des pieds, retourne dans son bureau. Sidjil est dans le salon, installé confortablement dans le canapé.

Soudain, il relève la tête qui jusqu'alors était tournée vers son téléphone. Maxime le surplombe, un sourire timide dessiné sur le visage et les mains derrière le dos. Une forte odeur de myrtille et de framboise chatouille ses narines. Intrigué, Sidjil penche la tête sur le côté en essayant d'apercevoir ce que son copain lui cache. Pour le taquiner, Maxime dérobe l'objet de sa convoitise à son regard. Quand il estime que ce petit jeu à assez duré, il le dévoile enfin.
Bouche baie, yeux grands ouverts, Sidjil ne parvient pas à contenir sa surprise. Ce sont des fleurs, un beau bouquet de fleurs de papier portant l'odeur de Maxime. Le jeune homme se penche pour observer le travail manuel de son petit ami. Des poèmes ont été écrits sur chacun des origamis. Mais Sidjil ne veut pas risquer de défaire l'œuvre qu'il a devant les yeux. Ses yeux commencent à le piquer et des rougeurs apparaissent sur son visage. Maxime s'inquiète, il connaît ces symptômes, Sidjil ne peut pas être allergique au papier, ni à son parfum d'ailleurs, alors confus, il cherche à comprendre ce qui ne va pas.

- Je suis juste ému. Murmure-t-il avant de fondre sur ses lèvres.

Sidjil s'occupe de ses plantes désormais. Et il n'en tombe pas malade. Il les nourrit de parfum une fois toutes les deux semaines et lorsque la poussière attaque trop l'une d'entre-elle, il la retire du bouquet pour lire les mots que son Maxou lui a laissé. Curieusement, pour chaque fleur quittant le vase, une nouvelle finie par le rejoindre. 

C'est un capOù les histoires vivent. Découvrez maintenant