Le vent nocturne fouettait mon visage alors que je prenais de l'altitude. En dessous de moi les lumières de Vélaris diminuaient. La Sidra continuait de s'écouler paisiblement, la ville et ses habitants continuaient de vivre leur vie, encore inconscient des événements qui venaient de survenir... Fuir la Cour du Printemps n'avait été que le début. Je savais qu'il me fallait au plus vite me rendre à la Cité de Pierre, puis dans les camps Illyriens, afin d'établir fermement ma nouvelle autorité en tant que Grand Seigneur.
Grand Seigneur de la Cour de la Nuit. Des mots qui résonnaient avec un poids étrange dans mon esprit. Je ne pensais pas avoir à endosser ce rôle avant quelques siècles. Ce fumier de Tamlin m'avait peut-être évité d'avoir un jour à tuer mon père en s'en étant chargé cette nuit-là... Mais je ne voulais plus penser à Tamlin, ni à son père et à ses frères, qui m'avaient volé ce que j'avais de plus précieux dans ce monde. La vengeance n'avait apporté aucun soulagement au vide et à la peine qui régnaient dans mon cœur depuis que j'avais découvert les têtes de ma mère et ma sœur dans ces boîtes.
Je repoussais toutes ces pensées. Avant la Cour des Cauchemars, avant d'aller affronter Devlon et tous ces connards de Seigneurs Illyriens, un détour s'imposait. Un détour vers elle. Cette petite sœur que je n'avais encore jamais rencontrée. Elle était née il y a seulement quelques mois, et mon père, ce monstre, n'avait pas jugé nécessaire de m'autoriser à rentrer à Velaris, pour un événement aussi insignifiant que la naissance d'une seconde fille. J'avais eu l'immense joie de découvrir ce joli bébé ailée par les yeux de ma mère, lorsqu'elle m'avait laissé regarder dans son esprit. Mes dons de Daemati m'avaient procuré cet immense plaisir. A présent, lorsque je tendais mon pouvoir pour toucher la conscience de ma mère, je n'y percevais plus que le vide et les ténèbres. Etait-ce à cause du vent que mes yeux me piquaient si durement ?
Après ma fuite de la Cour du Printemps, je m'étais tamisé à Velaris, chez moi. J'avais contacté mes amis, la seule famille dont je voulais à présent que mes parents et ma première sœur n'étaient plus. Puis je m'étais envolé de la ville, vers le Pavillon du Vent, vers elle. J'avais éprouvé le besoin de voler jusque là bas. Le vol m'avait toujours offert une sensation de liberté qui me permettait de penser avec plus d'acuité, de rassembler mes idées.Je me posais silencieusement sur la terrasse prévue à cet effet. Les autres n'étaient pas encore arrivés. Les couloirs du pavillon étaient silencieux alors que je les arpentais en laissant une nuée de ténèbres étoilées dans mon sillage. Je trouvais sans peine la chambre, voisine de celle de ma mère, repoussant la douleur et les larmes qui voulaient me submerger, j'entrais le cœur battant.
Les grandes fenêtres dont les rideaux avaient été laissés ouverts donnaient sur Velaris et la Sidra qui scintillaient dans la nuit, baignés par la lumière de la lune et des étoiles. Une ombre bougea dans un coin de la pièce. Nuala se matérialisa les yeux écarquillés. Pas surprenant que mon père les aient choisi elle et sa sœur pour veiller sur son plus jeune enfant après ce que les monstres du Printemps avaient fait.
"-Grand Seigneur. dit-elle en s'agenouillant."
Comment savait-elle ? La nouvelle n'avait pas pu arriver jusqu'ici, pas encore.
"-C'est l'essence de votre pouvoir, elle a changé. expliqua-t-elle en réponse à ma question muette.
-Je vois, répondis-je. Les autres membres de ma cour sont en route. Va à leur rencontre et dis-leur où je me trouve."
-A vos ordres. Longue vie au Grand Seigneur de la Cour de la Nuit."Elle s'inclina et sortit. Je m'avançais vers le berceau. Elysia, ma petite sœur y dormait profondément, sa respiration douce était le seul son perceptible dans la pièce. Des ailes minuscules, héritage de notre sang Illyrien reposaient le long de son petit corps. Je m'approchais encore, mon regard capturé par ce visage innocent, si semblable à ma défunte sœur. J'inspirais à fond son odeur de vanille et de vent des montagnes. Devant cette petite fille innocente, je jurais devant la Mère que je ne laisserais jamais le moindre mal lui arriver. Non, Elysia ne connaîtrait pas le même sort qu'elles, car elle était tout ce qu'il me restait de ma mère et ma sœur. Les deux êtres les plus doux et les plus merveilleux qui aient jamais été.
Des bruits de pas me tirèrent de mes sombres réflexions. Morrigan, Cassian, Azriel et Amren, ils entrèrent, et leurs regards inquiets se posèrent sur moi. Sans un mot, ils s'agenouillérent, une main sur le cœur.
"-Nous sommes à tes ordres Grand Seigneur. Nous te serviront et te protégeront. Déclara Amren d'une voix solennelle.
-Relevez-vous, répondis-je la voix rauque.
-Et nous te botterons le cul si jamais tu déconnes, ajouta Mor en se relevant.
-Mais j'y compte bien Cousine, dis-je en la prenant dans mes bras.-La Cour de la nuit est entre de bonnes mains avec toi mon salaud ! s'exclama Cassian en me donnant une claque dans le dos."
Azriel ne dit rien, mais il me serra la main et la lueur dans ses yeux fauve parlait pour lui. Amren semblait me sonder de son regard indéchiffrable. Mor s'avança alors vers le berceau, les yeux posés sur Elysia en repoussant sa masse de cheveux blonds dans son dos. Je vis dans son regard un mélange de surprise et d'affection.
"-Rhys, elle est magnifique, murmura-t-elle un sourire tendre aux lèvres."
Azriel hocha la tête silencieusement, son regard inhabituellement doux, les ombres murmurant doucement autour de lui, Cassian affichait un large sourire et Amren observait ma sœur de son éternel air énigmatique. C'est là, devant le berceau d'Elysia, avec Velaris qui scintillait au loin à travers la fenêtre, que je sentis un nouveau pouvoir nous lier.
"-Nous sommes plus que des guerriers, plus que des amis. Nous sommes une famille, nous sommes... la Cour des Rêves, déclarais-je la voix empreinte de conviction. Amren, tu seras mon second, Morrigan tu régneras sur Vélaris et sur la Cité de Pierre, je te donne l'autorisation de tuer ton fumier de père quand l'envie t'en prendra. Azriel, tu sera mon Maître Espion, et Cassian, le général de mes armées."
Ils acquiéscérent, chacun acceptant son rôle avec une gravité qui réchauffa mon âme. Elysia dormait toujours, ignorant la promesse silencieuse que nous venions de sceller : protéger cette Cour, ce monde, pour elle, pour nous, pour tous ceux que nous avions perdu. La Cour des Rêves, une promesse d'avenir, un serment de protection, un pacte d'espoir.
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Un Pont de verre et d'étoiles (Fanfiction ACOTAR)
Fiksi PenggemarBonjour à tous ! Je vous propose ici ma première esquisse d'une Fanfiction consacrée à l'Univers de la Saga Un Palais d'épines et de roses (ACOTAR en VO). Il s'agit plus exactement d'un What If puisque j'introduis un nouveau personnage aux milieux d...