Chapitre 2 : Mauvaise herbe

176 55 238
                                    

Comme tous les soirs, une chaleur suffocante règne au Diamant Sanguin, lieu par excellence de petits vices en tout genre dont raffolent les New-yorkais. Une véritable fournaise. Les sens y sont saturés, entre la sono qui agrippe les cœurs, l'alcool, l'esprit et la sueur des voisins qui, sur la piste de danse, chatouille désagréablement vos narines. Pour ma part, l'établissement m'a toujours fait l'effet d'une marmite en ébullition, prête à exploser sous la pression. Mais à l'évidence, il faut croire que ça plaît au vu de son succès retentissant .

Cependant, il me faut l'avouer, même-moi, j'y ai mes habitudes.

Des habitudes quelque peu non-orthodoxes, susceptibles de me faire jeter dehors si cela doit remonter jusqu'aux oreilles du propriétaire des lieux. Heureusement, je sais faire preuve de discrétion pour ce qui est d'espionner les conversations. Parce que cet établissement est un vrai nid d'informations, si on sait bien s'y prendre. Et pour le coup, je sais très bien m'y prendre. Mon géniteur n'est certainement pas étranger à cet état de fait, lui qui a toujours exigé que je fasse profil bas depuis ma plus tendre enfance. Quoique "tendre" ne soit sans doute pas le terme adéquat pour décrire cette période de ma vie.

Bref.

Si Viktor n'a pas encore su tirer au clair les circonstances du décès de mon père, je compte bien y remédier en allant y glaner des indices. Après tout, on parle de Cyrius Thornes, l'homme le plus redouté de New York. Et petit bonus, cela occupera les braises de colère toujours crépitantes sous mon crâne.

C'est donc armée d'une bonne dose de patience et dans une attitude faussement décontractée, adossée à une rambarde du premier étage, que j'observe la marée de clients. Et pour compléter ma panoplie, un verre de whisky me tient compagnie.

Une énième fois, mon regard scanne chaque recoin.

Rien de bien notable pour l'instant.

Juste un groupe de femmes excitées, déguisées en lapin, venues de toute évidence pour un enterrement de vie de jeune fille, des gens ivres et des amateurs de danses venus déployer leur talent tout à fait discutable sur la piste. Non loin des toilettes, l'invariable file d'attente et du côté du bar, des assoiffées, dont Sven Grimsson, le maître des lieux. Ce soir, il semble que la pêche ait été bonne pour lui puisqu'il discute vivement avec une femme que je ne connais ni d'Ève ni d'Adam. Une belle plante à en juger par les jolies courbes et la tenue tout en suggestion que porte celle-ci.

Inintéressant.

Je repère aussi les petits sachets de poudre blanche et de pilules qui circulent de table en table. Une affluence qui se fait avec une fluidité déconcertante tant ce manège est bien rodé. Il faut dire que cela fait huit mois que Kat Elevigne a coutume de se promener avec son sac Balenciaga rempli de trésors.

Le Diamant Sanguin dans toute sa splendeur.

Mais pour le moment, je n'ai pas grand-chose à me mettre sous la dent.

Les glaçons dans mon verre ont tout le temps de noyer mon whisky.

Jusqu'à l'apparition d'une tête bien connue.

Pablo Castillo.

Aussitôt, mon attention se focalise sur cette silhouette arborant un visage de fouine, peau tannée, cou mangé de tatouages et moustache de mauvais goût. Ses gestes sont secs, sa démarche précipitée. Il ne faut vraiment pas être Sherlock pour deviner le gredin sous-jacent. Et comme à son habitude, il est accompagné de deux hommes de main faits dans le même moule version XXL.

Déjà, les trois grimpent les escaliers pour rejoindre l'étage supérieur.

— Adieu, whisky, murmuré-je.

Des Épines pour IvyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant