Chapitre 23 : Avaler des poires d'angoisse

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Paupières closes, je m'astreins à ignorer le boucan environnant et celui de mon palpitant. Certes, les circonstances actuelles ne sont pas vraiment à la méditation, mais c'est un effort nécessaire si je veux user des arcanes. Histoire de nous sortir de cette impasse.

J'ai juste besoin de me concentrer.

Alors j'expire.

Les secondes passent et au lieu de la sérénité, c'est bientôt la frustration qui vient me narguer. Comment aurait-il pu en être autrement quand je sais que cette mission tourne en eau de boudin. Que Teddy a réussi à nous filer entre les doigts. Que l'autre pisse le sang ! J'en ai les neurones qui bouillonnent et plus je m'oblige à ignorer ces évidences, plus il m'est impossible d'en faire abstraction.

Un foutu cercle vicieux.

Si dans cette situation, je suis incapable de faire appel à mes arcanes, qu'est-ce que ce sera face à Ander ? Un massacre. Voilà une autre réflexion pour ajouter de l'huile sur ce putain de bûcher interne.

Mes ongles se plantent dans la paume de mes mains. Malheureusement, même cette douleur ne réussit pas à dévier la trajectoire du bordel que sont mes pensées. Moi qui me targue de pouvoir garder mon sang-froid... Laisse-moi rire. À croire que je n'ai rien appris durant toutes ces années sous la tyrannie du géniteur.

Un contact sur mon épaule me tire soudain de mes pensées. Étouffant un sursaut, je cligne des paupières. Et tombe dans deux prunelles abyssales qui me considèrent avec un éclat de certitude.

— Tu sais le faire.

Quatre mots lâchés sans une once d'hésitation. Cela m'arracherait presque un sourire si le moment s'y prêtait. Mais il y a quelque chose de terriblement sérieux dans l'intonation et le regard de Mal. Une assurance inébranlable. Sans peur. Pour quelqu'un qui m'a déjà vu douter, m'effondrer, pleurer, la réaction me paraît incohérente.

Alors pourquoi en suis-je touchée ?

À la vérité, je ne suis pas certaine de goûter à la réponse, même si je la devine aisément. Pourtant, cela suffit pour tasser le tumulte. À moins que ce soit la proximité de cette présence familière qui réussit ce tour de force. Toujours est-il que le résultat est là.

J'inspire lentement.

Mes muscles se délient petit à petit comme si tout cela n'avait été qu'une broutille. Les yeux à nouveau fermés, mon dos, lui, s'appuie davantage sur la plaque de métal derrière moi. Les battements de mon cœur ralentissent.

Dans mes veines, les arcanes se réveillent.

De cette vibration si particulière.

Le vertige s'engouffre.

L'euphorie avec.

Je respire.

Enfin.

                                                                              Et je glisse.

                                                                     Doucement.

                                   Dans une robe de plumes.

                          Une silhouette de bronze.

La brise pour la faire virevolter.

Des Épines pour IvyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant