Chapitre 31 : Croquer la pomme

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TW : scène explicite

La pendule du salon indique que les bras de Morphée me dédaignent alors que le reste du manoir s'est assoupi depuis plusieurs heures maintenant. Les neurones en tumulte, je ne peux m'empêcher de considérer les maigres cartes que j'ai en main. Réfléchir au pli à jouer pour me sortir de l'impasse qu'est cette foutue condamnation à mort qui me pend au nez. Et les questions, bien sûr.

Pourquoi me pousser à devenir chef de clan si c'est pour mourir lors d'un duel inégal ? Le géniteur le savait. Viktor le savait. Alors quoi ? Je ne peux pas croire que ça soit par pur sadisme. Non, c'est autre chose. De plus, pourquoi avoir demandé aux trois sœurs de bloquer mes arcanes ? À qui tout cela profite ? Oleander ? L'idée qu'il soit l'instigateur de tout ce merdier est grotesque, presque drôle.

Tout cela n'a aucun putain de sens.

Je lâche un énième soupir, me pince l'arête du nez.

Puis tente de trouver une meilleure position sur le canapé avant de finir par fixer le plafond et son lustre doré. Riche, influente, me crie la décoration, pourtant, voilà que je me retrouve pieds et poings liés. L'ironie ne m'échappe pas. J'ai bien envie de fracasser de la vaisselle, briser du mobilier et hurler jusqu'à n'en plus pouvoir. Jusqu'à en vomir mes poumons.

J'ai la rage.

Finalement, incapable de rester immobile plus longtemps, je décide de me lever. C'est un globe terrestre qui attire mon attention. Tout de bois vernis, contenant assurément de quoi me désaltérer. Ou plutôt anesthésier mes nerfs.

Pieds nus sur le tapis, mes pas ne font aucun bruit et bientôt, plusieurs bouteilles me font de l'œil, sagement rangées dans leur écrin. J'ai à peine le temps de songer à une préférence que j'entends la porte derrière moi s'ouvrir.

— Mal ? lancé-je, surprise, après m'être retournée pour le voir. Que... Fais-tu là ?

La colère se carapate pour laisser la place au trouble face à cette visite surprise. La compagnie n'était pas prévue au programme comme en atteste ma tenue trop légère pour ce genre d'occasion. Un long tee-shirt qui m'arrive mi-cuisse et une culotte pour seuls vêtements. Oui, je suis dans un salon, mais je suis dans MON salon. Je peux donc me promener comme je le souhaite.

Heureusement, l'unique lumière chaude pour tapisser l'espace provient d'une lampe en abat-jour, laissant quelques coins dans une pénombre tranquille. Cela suffit pour ne pas me sentir totalement exposée. Et masquer mes rougeurs.

Mon garde du corps, lui, n'est qu'une silhouette taillée d'ombres.

— Ivy, tout va bien ?

Je baisse les yeux pour en revenir à mes bouteilles.

— Je peux te proposer un verre ? esquivé-je sans finesse.

Ma main effleure la surface glacée de quelques boissons pour enfin m'arrêter sur de l'absinthe. Le degré d'alcool sur l'étiquette est tout à fait charmant. Le bouchon, lui, est très vite dévissé avant de humer l'odeur au goulot. Une pincée de vapeur pleine de promesse. Seulement, c'est sans compter sur des doigts s'enroulant autour de mon poignet afin de m'obliger à reposer ma trouvaille.

L'agacement aurait dû pointer le bout de son nez, mais à la place, ma peau grésille à ce contact presque délicat tandis que mon pouls s'emballe.

— Ce n'est pas la solution, articule Mal.

Il me faut plusieurs secondes afin de me recentrer. Ce n'est que lorsque je le sens s'éloigner que je me retourne pour, du plat de la main, le pousser jusqu'à le plaquer contre une étagère alourdie de bouquins. Monsieur Joli Cœur se laisse faire, aussi, je lève la tête, mon regard épinglant le sien.

Des Épines pour IvyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant