Chapitre 6 : Tomber en quenouille

118 40 139
                                    

Dès le lendemain, télévision, radio et tabloïds ont fait leurs choux gras de l'arrestation d'Ander. Les clichés ne sont pas pour le mettre sous son meilleur jour et les articles ou déclarations qui les accompagnent suivent la même tendance. Je suppose que je devrais m'en réjouir. Même si au fond, je sais pertinemment qu'il ne restera pas bien longtemps derrière les barreaux. À l'heure qu'il est, une armée d'avocats doit déjà travailler d'arrache-pied pour le faire sortir fissa. C'est l'avantage lorsqu'on fait dans le trafic d'armes et la manipulation des cours boursiers, on a la fortune pour se payer les meilleurs professionnels et se sortir des pires emmerdes juridiques.

— Mademoiselle Thornes.

Je continue à prendre le pouls de l'actualité, faisant défiler l'écran de mon téléphone. Il n'empêche, je suis encore à m'étonner de la tournure des événements lors de l'enterrement. Mon instinct me souffle qu'il y a anguille sous roche.

— Mademoiselle Thornes.

Il serait intéressant d'avoir les résultats de l'autopsie. Après tout, si la victime a été enterrée, c'est que l'examen a été effectué en amont.

— Mademoiselle Thornes !

Mon regard papillonne avant de finalement réaliser que c'est moi que l'on interpelle. Levant la tête, je découvre alors un homme d'une soixantaine d'années bien tassées qui me considère à travers ses lunettes en demi-lune avec un air pincé.

— Maître Lockwood ! Excusez-moi, je n'ai pas l'habitude que l'on m'appelle ainsi.

Ou que l'on m'appelle tout court d'ailleurs.

J'étouffe une grimace en me levant de ma chaise, mon corps me rappelant les douleurs de la veille. Rien de bien grave. La souffrance, à l'instar de la peur, m'est bien connue et celle d'aujourd'hui n'est qu'une broutille de passage. Aussi, j'emboîte le pas de l'homme devant moi pour abandonner la salle d'attente.

C'est fou ce que le cabinet d'un notaire ressemble exactement à ce qu'on pourrait s'imaginer. Des meubles massifs en bois vernis, un épais tapis pour amortir le moindre son de pas et un immense rayon de livres, assurément ennuyeux, pour décorer tout un pan de mur. Oh, et bien sûr, une magnifique peinture à l'huile d'un temps passé représentant un navire piégé dans une tempête.

— Prenez place, Mademoiselle Thornes.

— Appelez-moi Ivy, je préfère, fais-je tout en m'installant sur le siège désigné.

Mon regard s'attarde encore quelques secondes sur mon nouvel environnement avant de finalement revenir sur ce notaire étouffé dans sa chemise boutonnée jusqu'au col.

— Bien, reprend-il. Comme vous le savez, nous procédons aujourd'hui à l'ouverture du testament de Cyrius Thornes dont vous êtes l'héritière réservataire avec Oleander Thornes.

Cela me fait doucement rire d'être qualifiée "d'héritière". Un terme qui me donne bien plus d'importance que je n'en ai eu dans la vie de celui qui m'a conçue.

— Et l'absence de mon frère ne va pas poser problème pour cette ouverture ?

Car il est évident qu'Ander est le plus concerné de nous deux. Pas que je l'envie, bien au contraire. Le legs en question est lourd à porter et j'ai bien assez à me préoccuper de ma propre petite personne pour en plus devoir me coltiner tout un réseau criminel. Bien que quelques zéros supplémentaires ne feraient pas de mal à mon compte en banque.

— Non, Monsieur Thornes, votre père, a anticipé ce cas de figure et m'a donné des directives précises pour cette situation.

— Dans le cas où Ander serait soupçonné de son meurtre ? demandé-je, entre amusement et surprise.

Des Épines pour IvyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant