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- Bonne fête de l'indépendance !

Mon corps bouge au rythme de la calèche. Droite. Gauche. Le bruit des cheveux galopants fusionnent avec les cris des gens, des rires joyeux des enfants. Des personnes marchaient entre eux, la tête baissée avec une mauvaise mine, visiblement dérangé par les célébrations. Ils sont des nôtres.

Son mari la tenait, l'empêchant de tomber, son regard était vide. La reine, elle, le regardait se sentant trahis.

Il l'avait poignardé.

- Pourquoi... ? Murmure-t-elle.

Je continue à observer l'extérieur. Le ciel est clair, les rues sont colorées. Les cris de joie se multiplient, les préparations pour les feux d'artifices de ce soir se font voir, les danses et les chants se font entendre. 

Et tout explose. Les feux d'artifices, les stands des commerçants, les maisons aux alentours. Un feu se propage d'une grande vitesse, ne laissant aucune chance de survie à quiconque. Les rues se remplissent de cadavres, hommes, femmes, enfants. Âgées comme jeunes. Le sang s'est répandu partout au point de ne plus pouvoir distinguer sa provenance.

Les cris de joie sont remplacés par des cris d'agonie.

Et moi ? Je les observe, sans émotions. Malheur à ceux qui célèbrent la mort de la Grande Reine.

- Votre Altesse, nous sommes arrivés, me prévient Sardor.

Je reviens à la réalité. Je me suis perdue dans mes pensées pour un instant. Je baisse la tête sur mes mains et remarque qu'elles forment un poing. Je les desserre, tentant de me reprendre.

- Elle voulait seulement vous voir, alors je vous attendrais là, me dit-il. 

Je hoche la tête. S'il n'y avait que Sardor... je sais que le manoir de Dame Luzia est encerclé de gardes royaux, prêts à me rattraper en cas de fuite. Je n'ai donc aucun intérêt à faire quoi que ce soit. 

Je sors de la calèche et entre dans le manoir. Une fois à l'intérieur, je me fais accueillir par qu'un seul serviteur. Et pas n'importe lequel. Je garde le visage impassible, alors que mes pensées tournoient dans mon esprit. Reynald. Que fait-il là ?

- Suivez-moi, votre Altesse.

Il s'avance, et je le suis. Il ne m'amène pas dans le salon, mais plutôt dans une pièce qui semble éloignée de tous, isolée et discrète. Je comprends qu'il veut me parler avant que je ne rencontre Luzia. La porte fermée, je me tourne vers lui.

- Que fais-tu ici ? Lui demandé-je.

- Sa Majesté m'a ordonné de venir et de veiller sur vous, me répond-il. Et à vrai dire, c'est ce que je comptais faire depuis le départ. Hors de question de vous laisser seule dans ce royaume.

Je soupire. Au moins, il ne lui a pas ordonné de déclarer la guerre. Tout semble s'être bien passé, voyant son expression. Enfin... enfin, ma famille sont au courant.

- Puisque c'est l'ordre de mon père...

Je voulais parler de ma famille en détail, mais j'avais d'autres choses en tête. Je respire profondément. Je dois les enfouir dans mon esprit pour l'instant.

- Parle-moi de ces tunnels souterrains, lui dis-je, j'ai l'impression que tu en sais quelque chose.

- Et bien... Vous avez certainement raison. Les tunnels ont été construits depuis un certain temps, nous savions que nous devions trouver un moyen de pénétrer à Althea sans nous faire repérer. On ne pouvait pas le faire sur terre, mais sous terre.

- Je vois...

Cela a été fait à l'insu de tous, et ils auraient dû avoir l'approbation de la famille royale, mais je ne pourrais être plus fière. Je sais désormais qu'avec ou sans nous, la famille Avalorn, notre peuple ne renoncera pas à notre héritage ; ils se battront pour cette terre.

- Qu'en est-il de Dame Luzia ?

- Elle ne le sait pas et ne le saura jamais.

Je fronce les sourcils.

- Pourquoi ? Ne pouvons-nous nous fier à elle ? Lui demandé-je, intriguée.

Il me regarde, silencieux. J'ai ma réponse. Non, nous ne pouvons pas. Mes suspicions et doutes étaient corrects.

- Répond-moi, Reynald, lui ordonné-je.

- ... Dame Luzia n'a jamais spécifié la raison pour laquelle elle s'est installé ici, m'informe-t-il. Et elle est bien plus étrange qu'auparavant... je n'ai pas de preuves, mais je doute fortement d'elle.

- Je vois. J'enquêterai sur elle, l'avertis-je. Tu la garderas à l'œil et me tiendras au courant.

Il hoche la tête. Comme si le prince et le roi d'Althea n'étaient pas suffisants, je dois me mêler de potentiels traîtres. Son père sera si déçu.

- Et Sardor ? Qu'en est-il de lui ? Me demande-t-il.

- Il est le conseiller du prince héritier, lui répondis-je.

- Je me doutais bien qu'il cachait quelque chose.

Je suis restée un peu longtemps ici, je dois rejoindre Luzia rapidement avant que Sardor ne décide d'entrer.

- Avant que je ne m'en aille, je vais te demander de me faire quelque chose, lui dis-je.

- Bien-sûr, votre Altesse.

- Les personnes dans les tunnels, j'aimerais que tu m'organises une rencontre avec eux. Ceux en qui tu as confiance, du moins, ceux qui seraient prêts à mourir pour moi.

Il s'incline, sa réponse positive. Je prends des risques en m'exposant mais pour le moment, ces tunnels sont notre plus grande chance de réussite. Et je ne peux pas les défendre si je ne les connais pas.

- Dans ce cas, je m'en vais voir Dame Luzia.

Je quitte la pièce, et me dirige vers le salon, là où m'attend Luzia. Même seule, elle ne m'accueille pas comme je l'aurais imaginé. Elle m'invite simplement à m'asseoir, faisant mine de ne pas me reconnaître.

- Je m'excuse de vous avoir amené jusque là, votre Altesse, me dit-elle. Je pensais avoir une discussion avec vous serait une bonne idée.

- Vous avez bien faits, lui affirmé-je. J'avais besoin de prendre de l'air.

- ... Vous semblez aller bien.

- Ne suis-je pas censé l'être ?

Elle me regarde un instant, sans rien dire. Non, je devrais être misérable dans le royaume ennemi. Je la fixe, attendant sa réponse - qui ne vient évidemment pas - et prendre une gorgée de thé.

- À vrai dire, votre Altesse... j'avais besoin de votre aide et soutien, dit-elle, changeant de sujet.

- Dites-moi.

- J'aimerais démarrer un commerce ici, m'explique-t-elle.

Je tente de garder un visage impassible. Un commerce ? Ici ? Je tente de la lire, cependant, elle est toujours aussi déroutante. Je ne comprends pas ses motivations. Je tente de ne pas sauter à la conclusion de sa traîtrise, mais je dois avouer que c'est assez compliqué.

La seule manière de le savoir est de la voir et discuter régulièrement. À la fin, je saurais ce qu'elle cache.

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant