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Pieds nus, je courrais dans la forêt. Je me retrouvais à bout de souffle, je ne m'arrête pas pour autant ; je dois m'éloigner d'ici le plus rapidement possible. Je courrai, trébuchai et me relevait. Les branches et les pierres coupaient chaque parcelle de la peau des pieds, ne laissant que des pas ensanglanté.

- Mon Dieu... votre Altesse ! S'écrie Birsan en entrant dans la chambre.

Je reste figée, fixant le corps d'Azref au sol. Je viens à la réalisation de ce que mes mains viennent de commettre.

- Je l'ai tué... Soufflé-je. Je l'ai fais...

- Donnez-moi une cape et votre couronne, votre Altesse, tout de suite.

- ... Pourquoi ?

Elle ne me répond pas, s'empare de ma couronne et de ma cape. Elle les porte, puis lève le regard sur moi.

- Vous êtes notre dernier espoir, votre Altesse, dit-elle. Fuyez, je vais les distraire.

- Birsan... ils vont te tuer !

- Mourir pour vous est un honneur, dit-elle en souriant. Permettez-moi cet honneur.

Je la regarde, et accepte à contrecœur. Elle a raison. Je suis la dernière héritière d'Inimia, je ne peux risquer ma vie. Avant que je ne puisse partir cependant, elle s'agenouille devant moi.

- Je regrette le fait que je ne pourrais assister à votre couronnement, alors je désire être la première... Dit-elle doucement. Moi, Birsan, je vous prête allégeance, ô Reine d'Inimia, ô Grande Reine du nouveau royaume ! Que votre nom soit à jamais béni.

J'ai passé l'endroit où j'ai tué le roi, je me rapprochais de plus en plus de la frontière. Ma robe est dans un sale état, mes cheveux le sont tout autant, mes pieds ne sont plus qu'un bain de sang et je sens tout mon être brûler de douleur. Je ne peux pas m'arrêter de courir. Je continue, encore et encore.

Et je tombe.

Je ne me relève pas cette fois. Contre la terre, je me mets à sangloter, suppliant quiconque de m'entendre. Seule. Je me sens si seule, si perdue et désorientée. Je pleure un torrent de larmes, mon corps tremblant.

- Qu'ai-je fais ?! Pleuré-je. Mon Dieu, qu'ai-je fais ?!

Je me suis condamnée seule à la solitude.

Et lorsque j'entends des bruits de pas, je me relève, me forçant à enfouir cette tristesse profondément dans mon cœur meurtri. Je me remets à courir vers la frontière, cette fois en boitant. Et plus je m'avance, plus les bruits se font plus forts. Je m'arrête, tentant de discerner quelles sont les silhouettes au loin.

Des soldats.

Je m'approche encore, l'espoir renaissant dans mon âme. C'est eux. Mes soldats... je m'avance, mon corps se balançant d'un côté et de l'autre. Des heures ont dû passer depuis mon départ du palais, et la fatigue commence à me retomber dessus à cet instant.

- Qui est-ce... ? Disent les hommes.

- N'est-ce pas la princesse ? Courrez, la princesse est arrivée !

Ils s'approchent de moi, plus rapidement que je le faisais. Ma vue devient de plus en plus flou, mon corps ne tient presque plus. Je rentre... enfin.

Lorsque les soldats sont assez proches, je me laisse tomber dans leurs bras. Mon esprit est autre part, je ne peux voir où je vais. Je me sens transportée d'un endroit à un autre, d'un cheval à un autre.

Je me demande s'ils ont découverts le corps d'Azref.

Je me demande si Birsan a pu s'en sortir.

Un chapitre s'est terminé, et je retourne au début. La fin d'Althea est enfin arrivée, enfin notre Royaume peut renaître.

*****

J'ouvre les yeux, les cligne plusieurs fois, tentant de discerner ce qui m'entoure. Tout est flou. Tout ce que je pouvais apercevoir est une silhouette à mes côtés, une silhouette d'homme. Je tends la main, tentant de l'atteindre... et ma voix tente de l'appeler, cependant ce n'est qu'un murmure qui en sort.

- Azref...

Ma vision commence à me revenir, peu à peu, alors qu'une personne se jette dans mes bras. Mon premier réflexe est de repousser cette personne, et me replier sur moi-même. Suis-je dans un rêve ? Tout semble comme.

Pourtant, je reconnais les sons, les odeurs, et enfin, je reconnais le lieu, ses murs. Ma chambre. Je suis dans ma chambre. Je sens la douceur de mon matelas, l'odeur du jardin depuis ma fenêtre. Je reconnais tout cela. Et enfin, je reconnais cet homme qui me regardait avec tristesse, incompréhension et inquiétude.

- Papa.

Il me fait un petit sourire.

- Ma fille, tu es enfin réveillée... Tu nous es enfin revenu.

Je ne ressens pas de joie. Je ne ressens rien. Je pensais que le jour où je reverrais mon père, je serais la femme la plus heureuse au monde. Véritablement, je pense que cette fois, mon cœur est mort. Il a mis fin à sa propre existence pour supporter la douleur. Cela sonne si faux... Comme si je m'étais perdue dans un abysse sans fin.

- N'était-ce pas un rêve... ? Dis-je doucement. Freya...

- ... Nous l'avons enterré, me répond mon père, tristement.

La première émotion qui me vient depuis mon réveil est ce désir de hurler. Je veux crier, hurler au point de m'en casser les cordes vocales. Je veux ressentir une plus grande douleur que celle-ci, peut-être en oublierais-je ma peine.

Puis, mon père m'annonce que cela fait une semaine que je suis rentrée. Une semaine. Sept jours. Cela me semble si énorme. Les jours sont passés, pourtant je suis encore au moment où j'ai découvert la perte de Freya, où j'ai enfoncé mon poignard dans la chair d'Azref. De voir ses yeux écarquillés, de voir le sentiment de trahison dans son regard, bien qu'il tentait de le dissimuler.

Sept. Jours.

- Quel soulagement, entendis-je alors que la porte de la chambre s'est ouverte. Notre futur reine s'est enfin réveillée !

Mon regard se noircit, mes mains se serrent en poings, mon sang chauffe. Mon père souriait, ne se rendant pas compte de la haine qui montait en moi. Elle est là, me regardant toujours de haut comme elle l'a toujours fait, pensant que je la craignais.

- Va-t-en, lui dis-je, la voix tremblante. Pars de là ! Dégage !

Elle me regarde, surprise. Papa l'est tout autant. Elle ne bouge pas, ne s'attendant probablement pas que je lui parle d'un ton aussi sec, sentant toute la haine accumulée depuis des années.

- PARS DE LÀ ! DÉGAGE !

- Della, ma chérie, dit mon père, tentant de me calmer. Tu ne devrais pas -

- Tais-toi, lui lancé-je froidement.

Je me lève de mon lit avec toute la force qu'il me reste, j'arrive à peine à rester debout, mes jambes tremblaient, pourtant cela ne m'empêchait pas de m'approcher d'elle. Elle recule, mais je la rattrape. Immédiatement, je l'attrape par les cheveux et baisse sa tête vers moi.

- Je ne t'ai pas oublié, Madame, dis-je la voix pleine de rage. Tout comme j'ai détruite Althea, je te détruirais. Attends sagement ton tour, il viendra certainement.

Mon père me rattrape avant que je ne m'écroule au sol, et Madame en profite pour s'enfuir de la chambre. Je lui hurle des menaces, jusqu'à ce qu'elle soit hors de mon champ-de-vision. À son tour de vivre dans la peur, les rôles se sont inversés.

Della est de retour, mais suis-je vraiment la Della que tout le monde connaît et attend ?

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant